Chaque lundi, notre équipe de Gestion analyse et commente les marchés financiers. Quelle est la situation sur la semaine passée ? Quelles actualités faut-il retenir ?
Source : @Bloomberg LP
La semaine dernière, les marchés ont été principalement influencés non pas par des données macro-économiques, mais par deux décisions politiques majeures annoncées mardi. Celles-ci ont largement soutenu les actions européennes et provoqué une forte réaction sur les taux d’intérêt à long terme dans la zone euro.
Mardi donc, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a présenté un plan ambitieux de 800 milliards d’euros visant à renforcer la sécurité de la zone euro et à soutenir l’Ukraine. Cette initiative inclut un prêt de 150 milliards d’euros destiné à investir « mieux et ensemble » dans la défense. Par ailleurs, la Commission européenne a annoncé la suspension temporaire des règles du Pacte de Stabilité et de Croissance, permettant ainsi aux États membres d’augmenter leurs dépenses militaires de 650 milliards d’euros sur quatre ans sans être contraints par la procédure de déficit excessif. En complément, la Banque Européenne d’Investissement (BEI), dont le bilan s’élève à 600 milliards d’euros, pourrait également investir dans la sécurité et la défense sans plafond prédéfini.
Toujours mardi, le futur chancelier allemand Friedrich Merz a surpris en annonçant son intention de modifier la Constitution afin de créer un fonds spécial d’investissement de 500 milliards d’euros sur dix ans pour moderniser les infrastructures et réformer la règle du frein à la dette. Cette proposition aurait déjà fait l’objet de discussions avec le Parti social-démocrate dans le cadre des négociations de formation du prochain gouvernement. Ce revirement constitue une rupture avec la position historique de Friedrich Merz, qui s’était montré particulièrement prudent sur ce sujet pendant la campagne électorale. Il ne manquerait plus que l’accord des Verts, normalement favorables à une réforme du plafond de la dette. L’objectif serait d’adopter cette mesure avant le 25 mars, date limite pour la mise en place du nouveau Bundestag, afin d’éviter d’avoir à négocier avec l’AfD.
Macroéconomie 🔎
Aux États-Unis :
- L'activité manufacturière a ralenti plus qu’anticipé en février. L’indice PMI manufacturier de l’ISM, qui était attendu à 50,6, s’est finalement établi à 50,3, après 50,9 en janvier. En revanche, l’indice PMI non manufacturier de l’ISM a surpris positivement, s’établissant à 53,5, contre 52,5 attendu et 52,8 en janvier. L’indice PMI composite publié par S&P Global diminue, mais moins que prévu. À 51,6 en février contre 52,7 en janvier et 50,4 attendu, il témoigne d’un ralentissement de l’activité économique, qui reste néanmoins en territoire d’expansion.
- Sur le marché de l’emploi, les chiffres de l’ADP concernant les créations d’emplois non agricoles en février ont été bien inférieurs aux attentes, avec seulement 77 000 créations contre 141 000 anticipées et 186 000 en janvier. En revanche, les créations d’emplois dans le secteur non agricole se sont établies à 151 000, un niveau supérieur à celui de janvier (125 000), mais légèrement en deçà des 159 000 attendus.
- Le salaire horaire moyen a progressé de 0,3%, comme attendu, après une hausse de 0,4% en janvier. Quant au taux de chômage, il s’inscrit en légère hausse, atteignant 4,1% contre 4% anticipé.
- Le déficit commercial atteint un niveau record en trente ans, avec la plus forte hausse depuis 1992, en grande partie due à une explosion des importations de métaux, probablement en anticipation de nouveaux droits de douane. Il s’établit à 131,4 milliards de dollars, contre 128,3 milliards attendus et 98,1 milliards en décembre.
En zone euro :
- L’inflation a diminué, mais moins qu’attendu. L’inflation globale, attendue à 2,3%, est finalement ressortie à 2,4%, contre 2,5% en janvier. L’inflation core suit la même tendance : prévue à 2,5%, elle s’établit finalement à 2,6%, après 2,7% en janvier.
- La croissance du PIB au quatrième trimestre a été révisée à la hausse. Avec une progression de 0,2%, contre 0,1% anticipé, la croissance annuelle atteint 1,2%, dépassant ainsi les prévisions de 0,9%.
- L’indice PMI manufacturier de la zone euro en février a progressé, passant de 46,6 à 47,6, un niveau supérieur aux attentes (47,3). Les PMI manufacturiers français et allemands ont également dépassé les prévisions, tandis que le PMI manufacturier espagnol a reculé, repassant sous la barre des 50, marquant une nouvelle contraction du secteur.
- Du côté des services, la dynamique est plus contrastée. L’indice PMI des services a été publié en dessous des attentes, à 50,6 contre 50,7 prévu et 51,3 en janvier. En France, la baisse a été importante, mais légèrement moins marquée que prévu, tandis qu’en Allemagne, l’indicateur a ralenti plus que prévu. À l’inverse, l’indice PMI des services en Espagne a accéléré nettement, atteignant 56,2 contre 54,9 en janvier.
- Au final, l’indice PMI composite de la zone euro est resté stable à 50,2 en février, comme attendu, et se maintient légèrement au-dessus du seuil des 50, indiquant une faible expansion.
- Le taux de chômage en janvier, initialement attendu à 6,3%, s’établit finalement à 6,2%, avec une révision à la baisse du chiffre de décembre, qui passe également à 6,2%.
- Enfin, les ventes au détail en janvier, qui étaient anticipées en légère hausse de 0,1%, se sont finalement contractées de -0,3%.
En Chine :
- L’activité économique montre des signes de reprise plus marqués qu’anticipé. L’indice PMI manufacturier Caixin de février a progressé au-delà des attentes, atteignant 50,8 contre 50,4 prévu et 50,1 en janvier. Même tendance du côté des services, où l’indice PMI des services s’est établi à 51,4, contre 50,8 attendu et 51 en janvier.
- La balance commerciale chinoise s’est nettement améliorée en février, affichant un excédent de 170,52 milliards de dollars, bien supérieur aux 147,5 milliards attendus et au 104,84 milliards enregistrés en janvier.
- Enfin, la déflation continue de s’installer en Chine. L’indice des prix à la consommation est passé de 0,5% à -0,7% en rythme annuel, confirmant la tendance déflationniste pour l’économie chinoise.
Banques centrales 💰
Comme prévu, la Banque Centrale Européenne (BCE) a décidé de baisser ses taux directeurs de 0,25%, ramenant ainsi son taux de dépôt à 2,5%. Selon les responsables de l’institution, la politique monétaire devient désormais « sensiblement moins restrictive », ce qui sous-entend qu’elle le reste encore, alors que l'on se rapproche progressivement du taux neutre, dont la valeur exacte demeure incertaine.
Le Conseil des gouverneurs estime que l’inflation suit bien la trajectoire baissière prévue, mais il a néanmoins révisé à la hausse ses prévisions pour 2025, tablant désormais sur une inflation moyenne de 2,3%, contre 2% auparavant. L’inflation devrait ensuite s’établir à 1,9% en 2026 et 2% en 2027. Cette révision est principalement due à des pressions inflationnistes attendues sur l’énergie, selon l’institution.
Christine Lagarde a également souligné que l'augmentation des dépenses de défense et d’infrastructure, annoncée la semaine dernière, aurait sans aucun doute un impact positif sur la croissance. Toutefois, elle a précisé qu’elle pourrait aussi, bien que dans une moindre mesure, stimuler l’inflation en raison de son effet sur la demande globale.
Les marchés anticipaient toujours deux baisses de taux cette année, dont une dès avril, mais ces prévisions pourraient rapidement évoluer, d'autant que même l’Allemagne semble désormais décidée à augmenter ses dépenses.
À un moment où certains observateurs et investisseurs commencent à douter de la dynamique économique américaine, Jerome Powell, président de la Réserve fédérale (FED), a tenu à rassurer les marchés lors d’un discours prononcé vendredi à New York. Il a affirmé que l’économie américaine restait « en bonne situation », réaffirmant que la banque centrale prendrait son temps avant d’envisager de nouvelles baisses de taux.
Powell a également insisté sur la nécessité d'observer plus clairement les effets des mesures économiques mises en place par l’administration Trump, notamment sur quatre axes essentiels : le commerce, avec les droits de douane, l’immigration, la politique budgétaire, la dérégulation.
Cette posture prudente, qui aurait pu être interprétée négativement par les investisseurs, devrait au contraire être bien accueillie par les marchés, alors que le taux de chômage a surpris en augmentant. Powell a d’ailleurs tenu à rappeler que l’économie américaine avait créé en moyenne 191 000 emplois par mois depuis septembre, un rythme qu’il a qualifié de « solide ».
Performances 📊
Les actions internationales ont enregistré un net recul de -5,3% en euros sur la semaine. Toutefois, cette baisse impressionnante est essentiellement due à l’appréciation de l’euro, car en devises locales, les marchés internationaux ne reculent que de -1,2% sur la période.
Dans le détail, les actions de la zone euro affichent une performance stable, progressant légèrement de +0,5%. En revanche, les actions émergentes et japonaises enregistrent des baisses respectives de -1,3% et -1,6% en euros, mais elles restent en hausse en devises locales (+2,9% et +0,6%).
Les actions américaines souffrent particulièrement d’un manque de visibilité sur la politique de Donald Trump, qui alterne entre l’annonce et le report de nouveaux droits de douane. De plus, des craintes accrues concernant un ralentissement plus marqué de l’économie pèsent sur les marchés. Ainsi, les actions américaines reculent de -3,2% en devises locales, soit une chute de -7,1% en euros sur la semaine.
Sur le plan sectoriel, les matériaux (-2,6%), l’industrie (-2,7%), la santé (-3,3%) et la consommation courante (-3,6%) affichent une relative résilience.
En revanche, les secteurs les plus pénalisés sont : les financières : (-6,8% en euros), la technologie (-7,3%) et la consommation discrétionnaire (-7,9%)
Le marché obligataire a connu une hausse marquée des taux, notamment en Allemagne, où l’impact des annonces budgétaires du 5 mars a été historique.
Aux États-Unis, les taux à 10 ans progressent de 10 points de base, passant de 4,20% à 4,30%, dont 4 points de base de hausse le 5 mars. En Europe, la tension est bien plus forte. Les taux à 10 ans allemands bondissent de 45 points de base, passant de 2,39% à 2,84%, avec 30 points de base de hausse sur la seule journée du 5 mars. Une telle hausse des taux souverains allemands n’avait pas été observée depuis la chute du mur de Berlin ! Le taux CMS à 10 ans suit la même dynamique, s'envolant de 41 points de base, de 2,29% à 2,70%.
Le spread entre les emprunts français et allemands continue de se resserrer, passant de 74 à 71,1 points de base, signe que les marchés ne perçoivent pas encore de risque immédiat sur la dette française malgré la hausse globale des taux. Sur un horizon plus long, la remontée des taux en zone euro pourrait toutefois fragiliser les pays les plus endettés, une question qui risque de devenir centrale dans les mois à venir.
Sur le marché des matières premières, L’or progresse de +1,82% sur la semaine, profitant d’un climat d’incertitude. Le pétrole, en revanche, chute lourdement de -7,8%, pénalisé par des perspectives de ralentissement économique mondial. Enfin, sur le marché des changes, l’euro s’est envolé face au dollar, passant de 1,0375 à 1,0834.
Cette appréciation brutale de la monnaie unique peut s’expliquer par une réévaluation des attentes sur la politique monétaire de la BCE. Les investisseurs anticipent désormais moins de baisses de taux en raison du plan de relance allemand, qui pourrait stimuler la croissance et raviver l’inflation. Mais c’est également une perception rassurante de la solvabilité de la zone euro, les annonces budgétaires allemandes n'inquiétant pas les marchés sur le niveau d’endettement global de ce pays.
À suivre cette semaine 💡
Après une semaine marquée par d’importants mouvements sur les marchés financiers, notamment sur les taux de la zone euro et la forte appréciation de l’euro, nous surveillerons particulièrement l’évolution des marchés face à ces ajustements.
Si le rythme des publications macro-économiques ralentit légèrement par rapport à la semaine précédente, plusieurs indicateurs clés retiendront tout de même l’attention.
Aux États-Unis, l’inflation restera au centre des préoccupations avec la publication des chiffres de février. Elle est attendue en légère baisse, avec une inflation globale qui passerait de 3,0% à 2,9% et une inflation core qui reculerait de 3,3% à 3,2%.
Nous surveillerons également :
- L’évolution des prix à la production, un indicateur clé pour évaluer les pressions inflationnistes en amont.
- Le rapport JOLTS sur les nouvelles offres d’emploi, un baromètre du dynamisme du marché du travail.
- Les indices du Michigan pour mars, avec un intérêt particulier pour :
- Les anticipations d’inflation, qui influencent fortement les décisions de politique monétaire de la FED.
- L’indice de confiance des consommateurs, attendu de nouveau en baisse à 63,8 contre 64,7 en février, signalant un possible affaiblissement de la consommation des ménages.
En Europe, nous suivrons particulièrement :
- L’évolution de la production industrielle, qui est attendue en croissance de 0,6% en janvier, après une contraction de -1,1% en décembre. Un rebond de l’activité industrielle pourrait atténuer certaines inquiétudes sur la croissance du début d’année.
- Les publications économiques au Royaume-Uni, avec notamment :
- Le PIB, attendu en hausse de 0,1%.
- La production industrielle, qui pourrait connaître une nouvelle contraction en janvier.
À lundi prochain !