Comment agir avec la gestion indicielle
Implémenter de la gestion indicielle, cela ne signifie pas "ne pas agir". Répliquer un indice, c’est d’abord choisir une méthode d’investissement avec des règles d’inclusion, d’exclusion, de pondération et des limites de risque, puis confier une voix à des acteurs capables de la porter dans la durée. Cette voix, c’est le stewardship : le vote en assemblée, le dialogue structuré avec les entreprises, et l’escalade quand les engagements ne sont pas tenus. L’objectif n’a rien d’ésotérique : obtenir des plans crédibles, datés, mesurables, puis vérifier qu’ils avancent.
La règle comme levier d’allocation
L’indiciel responsable agit d’abord en fixant des règles d’investissement. Les approches dites “best-in-class” maintiennent l’ossature sectorielle de l’indice parent et opèrent la sélection à l’intérieur de chaque secteur ; le choix des entreprises se fait en fonction des critères extra-financiers, des trajectoires de réduction carbone et des controverses. Les indices climatiques européens CTB et PAB vont plus loin : ils imposent une réduction d’empreinte immédiate et une décarbonation automatique année après année, tout en encadrant les écarts sectoriels pour préserver la diversification. Dans les deux cas, l’impact n’est pas anecdotique : rester éligible à ces indices suppose des progrès tangibles sur les émissions, la gouvernance et la transparence, faute de quoi le poids relatif diminue et l’accès au capital se détériore.
Un coût du capital plus élevé
Ne pas être présent dans les indices, c’est se priver des flux des ETF. Lorsque les acheteurs se font plus rares, le cours de bourse recule et le coût du capital augmente en cas de levée de fonds car il faut émettre davantage d’actions pour lever la même somme, avec une dilution accrue des actionnaires existants. La baisse de valorisation peut dégrader les ratios perçus par le marché, ce qui élargit les spreads de crédit et renchérit la dette nouvelle ou refinancée. Au total, le coût moyen pondéré du capital progresse, le seuil de rentabilité des projets s’élève et certains investissements sont retardés. À l’inverse, une transition crédible et financée peut se traduire par des multiples plus élevés et des conditions de financement plus favorables.
Le nombre d’investisseurs responsables progresse
Cette influence n’opère pleinement que si une masse critique d’investissement suit ces règles. Selon notre observatoire des ETF, la dynamique progresse : près d’un cinquième des encours ETF en actions et obligations prennent en compte des critères extra-financiers. Dans le détail, toujours selon notre observatoire des ETF, la part ESG au sein des ETF obligataires a augmenté ces trois dernières années, tandis qu’elle a légèrement reculé côté actions, mais l’ensemble représente aujourd’hui un volume suffisant pour compter. Les flux racontent la même histoire : sur la même période, l’ESG a capté une part significative de la collecte, en particulier sur l’obligataire, ce qui confère un pouvoir d’entraînement réel. Au-delà des ETF, de nombreuses stratégies actives intégrant l’ESG continuent d’attirer des souscriptions (source: rapport Morningstar Global Sustainable Fund Flows: Q2 2025 in Review). Le poids cumulé de l’ESG dans l’investissement n’est donc plus marginal : la discipline des règles indiciaires et la pression ciblée de l’engagement actif se renforcent mutuellement et pèsent sur le coût du capital et les standards de marché.
L’impact pour les entreprises
Le signal est clair. Les entreprises qui documentent une trajectoire compatible avec l’Accord de Paris, qui allouent des investissements à la décarbonation, qui organisent une gouvernance capable de piloter ces transformations et qui publient des données fiables; améliorent leur accès aux indices et au capital. L’immobilisme se traduit par une sous-pondération, des coûts de financement plus élevés, et une exposition accrue au risque réglementaire et réputationnel. L’effet n’est pas instantané : il est progressif et à grande échelle, ce qui permet d’aligner l’investissement avec la transition sans renoncer à la diversification.
Limites et exigences de stewardship
La gestion indicielle, en investissant dans un grand nombre d’entreprises, multiplie sa présence en assemblée mais n’a pas, titre par titre, le poids d’un actionnaire majoritaire. Pour autant, les grands émetteurs d’ETF gèrent des centaines, voire des milliers de milliards d’euros, ce qui leur confère une capacité réelle à faire évoluer gouvernance et plans climatiques dans un grand nombre d’entreprises. D’où l’importance d’un stewardship exigeant : publication transparente des votes, cohérence entre politique de vote et enjeux climat, capacité d’escalade lorsque les plans ne sont pas crédibles. La montée en qualité des données, portée par les nouvelles obligations de reporting en Europe, rend ces leviers plus efficaces : mieux mesurées et plus comparables, les trajectoires d’émissions nourrissent des règles d’indices plus exigeantes et des votes mieux informés.
Notre pratique chez Yomoni
Chez Yomoni, notre rôle n’est pas de « dénicher la prochaine pépite verte », mais d’allouer le capital de nos clients vers des règles de marché qui accélèrent la transition, sans sacrifier la diversification ni les frais. Concrètement, nous sommes principalement investis dans des ETF émis par Amundi et BNP Paribas Asset Management et nous examinons leur stratégie de politique de vote, de transparence des votes et les engagements menés avant d’investir.
Amundi met l’accent sur des minima de vote en votant à 99% des assemblées générales où ils sont présents. Amundi met l’accent sur la transparence renforcée des votes avec publication et justification attendues. Un réel effort est fait sur l’engagement car Amundi discute avec 2883 entreprises. De plus, les votes établis par proxy (un vote par proxy est une délégation de l’exercice du droit de vote en assemblée générale à un tiers sur la base d’une politique de vote prédéfinie) respectent toujours leur politique de vote centrale. Un cadre que nous jugeons vertueux et aligné avec nos attentes.
Côté BNP Paribas Asset Management, la politique de vote intègre les standards environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), sans délégation de décisions de vote à des proxy advisors, avec un taux d’opposition significatif aux résolutions du management, un soutien marqué aux résolutions climat et plusieurs centaines d’interactions d’engagement documentées chaque année. Ces pratiques vont dans le bon sens et contribuent à l’efficacité de l’approche indicielle responsable.
À retenir
Allouer, voter, mesurer : la gestion indicielle ESG influence la trajectoire des entreprises sans recourir au stock-picking. Plus les capitaux s’alignent sur des règles claires et un stewardship exigeant, plus le signal-prix favorise les acteurs crédibles de la transition. La masse critique se construit. À nous, investisseurs et allocataires, de l’amplifier avec rigueur et transparence.
Investir comporte un risque de perte en capital