Tournant le dos à un monde de plus en plus virtuel, de nombreux investisseurs se sont trouvés une marotte très terre-à-terre : le caillou, la pierre.
Oubliées les grandes avancées de l’Histoire, les Lumières, le Progrès, la Fée Électricité… même la conquête spatiale ne fait pas le poids. Au XXIe siècle, c’est le caillou qui fait vibrer.
Dans les salons, ces minéralogistes amateurs comparent différents tas de cailloux sous les encouragements des bonimenteurs de foire. Des experts édictent des règles savantes permettant de leur donner une valeur, la plus emblématique étant « L’emplacement, l’emplacement et l’emplacement ».
Outre-Atlantique, ces cailloux s’appellent « Real estate » : des actifs réels, tangibles. La langue française met en avant l’immobilité des cailloux. C’est d’ailleurs le seul actif financier défini par la négative : on l’aime car il est immobile.
J’avoue avoir cédé récemment aux charmes du caillou.
Acheter de l’immobilier, c’est un moyen civilisé de s’approprier un territoire, une réponse à un instinct animal qu’il ne faut pas trop rationaliser financièrement. Car on en vient rapidement à regretter l’époque où l’on payait des loyers, finalement pas si élevés !
Les éléments contre soi
« Ô vraiment marâtre Nature », écrivait Ronsard. Peu importe s’il ne pensait pas à l’immobilier, les affres du temps ne font aucune distinction entre roses et pierres.
Il suffit de faire quelques kilomètres dans la campagne pour observer des bâtisses inoccupées qui achèvent de s’effondrer. Pour les éléments, les animaux et les végétaux, une cible immobile est une cible facile : un bien immobilier est toujours en sursis.
Le propriétaire d’un bien doit nourrir une bête affamée qui ne grandit jamais. Car c’est là le comble : toutes ces dépenses ne servent qu’à conserver la valeur du bien.
Il y aura toujours quelque chose à entretenir et à réparer, la liste s’allonge à l’infini. La seule marge de manœuvre consiste à choisir entre perdre son temps ou son argent.
Une bien fade perspective comparée à celle d’un portefeuille d’actions, capable de croître et distribuer des dividendes sans aucune maintenance.
L’actionnaire n’est pas obligé d’injecter sans cesse du capital dans ses entreprises sous peine de les voir s’effondrer : il n’investit que lorsqu’il le décide. Et c’est en général pour se diversifier, pour étoffer son portefeuille : viser les étoiles plutôt que de colmater les ravages du temps. Des investissements de croissance plutôt que des investissements de maintenance.
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La fortune des baby boomers
Pourtant, des fortunes semblent avoir été réalisées grâce à l’immobilier. Relatant leur propre expérience, les baby boomers conseillent souvent d’arrêter de « jeter l’argent par les fenêtres » et d’investir dans la pierre.
Leur conseil est sincère mais biaisé à trois égards.
- Ils ont d’abord bénéficié d’une longue période de baisse des taux, un contexte idéal qui a fait monter les prix de l’immobilier tout en leur offrant des opportunités fréquentes de renégocier à la baisse leur taux d’emprunt.
- Ensuite, ils se trompent sur l’origine de leur bonne performance financière. Ce n’est pas l’immobilier qui leur a fait gagner beaucoup d’argent, mais l’effort d’épargne imposé par l’emprunt. Un emprunt immobilier est un moyen de s’astreindre à une discipline d’épargne régulière sous peine de saisie du bien. Une contrainte redoutablement efficace !
- Enfin, ils ne tiennent pas compte des frais d’entretien et des impôts payés tout au long de la vie du bien. Ces charges sont pourtant comparables à des versements complémentaires ponctuels sur un produit financier : il faut en tenir compte dans l’évaluation de la performance totale.
En réalité, l’immobilier n’est pour rien dans leur succès financier.
Épargnez sous la contrainte (ou grâce à un mental d’acier) un montant important tous les mois pendant des années, placez-le sur des actions et vous obtiendrez un résultat similaire, voire meilleur car vous réinvestirez les dividendes.
Et pourtant, elle bouge…
Les Français détestent le risque mais adorent la pierre. Existe-t-il un lien ?
Si les biens immobiliers étaient évalués en temps réel, ils perdraient quelques dizaines d’euros par jour. Peinture qui s’écaille, huisserie qui vieillit, provisions à constituer pour gros travaux, honoraires de syndic et taxes diverses : la valeur diminue quotidiennement jusqu’à ce que le propriétaire sorte le chéquier pour la remettre à flot.
Outre cette décrépitude régulière, le bien subirait la volatilité causée par des facteurs externes : taux d’intérêt, transactions comparables, démographie, marché de l’emploi…
Ces variations, bien réelles, portent sur des centaines de milliers d’euros. Elles sont totalement acceptées par les propriétaires pour une simple raison : elles sont invisibles. En revanche, demandez-leur d’accepter une volatilité similaire sur 1 000 euros de placements financiers et ils paniquent.
Puisque la stabilité apparente des prix de l’immobilier renforce l’impression d’un placement peu risqué, suffirait-il d’ouvrir la bourse une fois tous les cinq ans pour réconcilier les Français avec le risque ? Ou faut-il, par souci d’équité, afficher la valeur des appartements sur chaque porte d’entrée et la faire varier en temps réel ?
Un bien d’usage plutôt qu’un bon placement
Il serait hypocrite de négliger l’avantage évident qu’offre un bien immobilier. Il a une valeur d’usage : on peut habiter dedans. Être propriétaire de son logement apporte un confort psychologique particulier, peut-être hérité de l’époque des cavernes ou de Jean Sans Terre.
J’imagine que chacun trouve dans la pierre une réponse à une crainte personnelle : crainte d’être déraciné dans un monde immatériel, d’être dépendant d’un bailleur, d’afficher une supposée précarité, de ne pas avoir la discipline d’épargner, de subir la volatilité…
Un bouclier, des épaulettes, des béquilles, des oeillères… Autant de raisons subjectives d’aimer l’immobilier. Toutes valables, elles n'en font pas pour autant un bon placement ! Réservons cette qualité aux actions…
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