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L'excès de confiance sur les marchés financiers : une histoire de testostérone

L'excès de confiance sur les marchés financiers : une histoire de testostérone

En tant qu’investisseur ou épargnant vous considérez-vous comme « meilleur que la moyenne ? », «  dans la moyenne ? » ou « moins bon que la moyenne ? »[1] ? Votre réponse ne sera vraisemblablement pas la même selon que vous êtes un homme ou une femme, mais, en moyenne, comme la plupart des investisseurs, vous vous considérez plutôt meilleur que la moyenne ! Les boursicoteurs aguerris en veulent pour preuve qu’ils gèrent très activement leur portefeuille : ça baisse, je vends très vite, ça grimpe, aussitôt j’achète, bref je vends et j’achète très souvent ! En réalité, ils souffrent d’un excès de confiance qui leur fait perdre de l’argent car ces achats/ventes intempestifs multiplient les frais de commission et réduisent le rendement net de leur portefeuille.

L’excès de confiance est l’un des biais comportementaux les plus étudiés en finance comportementale et cela n’en reste pas moins le plus répandu (oui, j’ai un peu la naïveté de penser que « la science » devrait aider à transformer le monde et la lucidité de constater que c’est rarement le cas).

Les marchés gonflés à la testostérone

Quoi qu’il en soit, l’excès de confiance tend à rendre plus agressif et à augmenter la prise de risque. D’après les adeptes des neurosciences appliquées aux comportements financiers, cela aurait quelque chose à voir avec la testostérone, dont le taux est comme chacun sait plus élevé chez les hommes que chez les femmes, et qui accroît la prise de risque. Une étude récente[2] a, par exemple, cherché à montrer qu’en période de hausse sur les marchés financiers, les gains réalisés ou potentiels feraient augmenter la testostérone, ce qui stimulerait les achats et accentuerait la hausse : les bulles seraient donc gonflées à la testostérone ! A l’inverse en période de baisse ou de forte volatilité des cours sur les marchés, c’est le cortisol, une hormone (également davantage secrétée par les hommes que les femmes), libératrice d’énergie et permettant à l’organisme de se défendre en situation de stress, qui augmenterait : résultat, cela démultiplierait les ventes en période de baisse et ne feraient que l’accentuer. Le cycle financier serait donc un brin hormonal et, pour une fois, c’est surtout de l’humeur des hommes qu’il serait question ! De quoi souhaiter que les femmes soient plus nombreuses à s’occuper de finance ; les marchés financiers y gagneraient peut-être en stabilité. Ces résultats vous feront sans doute sourire et le fait est qu’ils vont chercher un peu loin.

Un syndrome largement partagé …

Les boursicoteurs mâles n’ont évidemment pas le monopole de l’excès de confiance. C’est un syndrome largement répandu : les automobilistes qui conduisent trop vite en estimant qu’ils maîtrisent mieux leur véhicule que les autres ; les étudiants qui révisent trop peu ou trop tard en estimant qu’ils apprendront très vite ; les enseignants qui s’estiment à 90% plus pédagogues que leurs collègues ; etc. Gouvernants et banquiers centraux partout dans le monde ne sont-ils pas eux aussi affectés par ce syndrome ? Notamment quand ils jouent la bulle immobilière, par exemple, pour stimuler la croissance de court terme – avec comme au Royaume-Uni en 2013 et 2015 des mesures (« Help to buy ») pour favoriser l’accès à la propriété, en France à l’automne 2015 avec l’élargissement du prêt à taux 0, en Chine avec en 2015-2016 des mesures très agressives pour faire repartir les prix de l’immobilier à la hausse – au risque d’exposer leur économie à de forts remous financiers à plus long terme. C’est ce même excès de confiance qui, dans les années 2000 avant que la crise des subprimes n’éclate aux Etats-Unis à l’été 2007, caractérisait le comportement de la Fed (la banque centrale américaine) et d’autres grandes banques centrales : les taux étaient bas, ce qui favorisait la hausse du prix des titres et l’emballement du crédit. La bulle était déjà vue comme un levier de croissance qu’on n’aurait aucune difficulté à manier. En cas d’éclatement pas de problème, on serait capable de nettoyer les dégâts après coup !

… et tenace

Nettoyer les dégâts, c’est près de neuf ans plus tard ce que les banques centrales, la Fed et les autres, font encore. La Fed pensait d’ailleurs avoir tout juste terminé le nettoyage qu’elle se dit déjà qu’il ne faut pas peut-être pas l’arrêter trop vite. Tiens, Janet Yellen serait-elle moins affectée par l’excès de confiance que ses confrères ? Quelle que soit la réponse, l’excès de confiance sévit encore beaucoup dans les banques centrales. Notamment à la BCE où l’on continue d’abreuver les marchés et les banques de liquidités dont ils ne savent plus que faire en étant sûr et certain que cela fera repartir la croissance en zone  euro. Excès de confiance quand tu nous tiens …


[1] Cette question est reprise du quizz proposé dans « La finance est un jeu … dangereux » par Gunther Capelle-Blancard et Jézabel Couppey-Soubeyran, Edition Librio, coll. Mémo, août 2010.

[2] Voir « Cortisol and testosterone increase financial risk taking and may destabilize markets », Scientific Reports 5, n°11206 (2 juillet 2015) : http://www.nature.com/articles/srep11206 ou également J.M. Coates & J. Herbert, « Endogenous steroids and financial risk taking on a London trading floor », Proceedings of the National Academy of Science of the USA, 2008, 105(16), 6167-72.

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CONTRIBUTRICE EXTERNE - MEMBRE DU COMITÉ D'EXPERTS. Jézabel est maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et chargée de recherches au CEPII.

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