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Assis confortablement en First Class du vol AF643 reliant Dubaï à Paris, un homme d’une quarantaine d’années feuilletait un magazine. Il voyageait apparemment seul et n’avait pas l’air de se soucier des consignes de sécurité. Sa voisine, la trentaine, tripotait vigoureusement son iPhone 7S Plus Retina 5D Touch iOS 15.7 El Conquistador, ne portant guerre plus d’attention à l’hôtesse de l'air dont les mouvements familiers peinaient à émouvoir le moindre passager.
Emma vérifiait l’état de ses différents comptes. Elle détenait un PEA, cinq contrats d’Assurance-Vie, trois Compte-Titres, et une demi-douzaine de comptes courants. Elle souffrait, on pouvait en convenir, du syndrome de diversification extrême, un trouble obsessionnel compulsif de plus en plus répandu en France.
Jean-Claude, les yeux rivés sur ses pages, avait l’air soucieux.
Emportée par un élan de sociabilité, la jeune femme engagea la conversation. Elle apprit que Jean-Claude venait de passer dix jours aux Maldives. Il savourait ses derniers instants de vacances avant de reprendre le travail.
- Le soleil fait tellement du bien!, s’exclama-t-il.
- C’est vrai, répliqua Emma. Malheureusement je n’en ai pas profité pleinement car j’étais à Dubaï en mission, pour le travail.
- Oh quel dommage!, s’émut Jean-Claude.
- En même temps cela permet de voyager gratuitement, conclut Emma.
Jean-Claude eu un sourire gêné.
- C’est vrai que le billet est un peu cher mais je me fais plaisir, se justifia-t-il.
- Vous avez bien raison, c’est important de se faire plaisir de temps en temps!, rétorqua la jeune femme, ne souhaitant pas provoquer d’incident diplomatique en début de vol. Dites-moi, continua-t-elle, votre magazine m’intrigue, que lisez-vous au juste?
- Il s’agit de placements, de marchés financiers, de classements de divers fonds, bref de choses passionnantes qui me sont totalement étrangères...
Ces mots provoquèrent du remous dans le for intérieur d’Emma. Son attention redoubla, à tel point que Jean-Claude, sous le regard pesant de sa co-passagère, se senti obligé de développer.
- Oui… toutes ces choses, vous savez, les assurances-vie, les banques aux frais exorbitants, et la bourse, ah la bourse!…
L’élan de Jean-Claude fut coupé par l’arrivée inopinée de l’hôtesse qui, d’un sourire forcé, lui demanda s’il préférait un verre de Dom Pérignon ou de Château Lafite-Rothschild.
- Vous savez, embraya Emma, je m’intéresse beaucoup à toutes ces choses et je vous assure que c’est passionnant!
- Champagne je vous prie, lâcha Jean-Claude après quelques secondes d’hésitation.
Emma, quant à elle, choisit le vin de Pauillac, avant de reprendre:
- Vous voyez, par exemple, le billet d’avion que j’économise si l’on peut dire, je le mets sur mon compte Yomoni, ouvert il y a peu.
- Pardon, Yomo-quoi…?
Jean-Claude, l’air inquiet, fronça les sourcils. Il parcourut les pages de son mensuel urgemment à la recherche de ce nouveau mot. Puis, avalant une gorgée de bulles, sa crispation se détendit.
- Yomoni, gérant d’épargne nouvelle génération, précisa Emma.
- Connais pas. Et puis vous savez, pourquoi irais-je donner mon argent à une tierce personne?
A cet instant, Emma dut faire un choix stratégique: continuer d’argumenter en essayant, sinon de transmettre, du moins d’expliquer sa vision des choses, risquant de froisser voire de perdre son interlocuteur; ou bien d’orienter la conversation vers un sujet plus consensuel.
Jean-Claude, sa dose d’alcool absorbée, bascula la tête en arrière, ferma les yeux et respira profondément. Son moment de détente fut vite interrompu lorsqu’une voix féminine souriante et automatisée lui annonça que des turbulences allaient très probablement survenir. Un signal sonore et lumineux lui ordonna de surcroît d’attacher sa ceinture.
"Vous vous reposez sur l'équipage, en particulier le pilote, afin d'arriver à destination en toute sécurité, si je ne m'abuse… Ce sont des professionnels, ils connaissent le trajet, savent quoi faire en cas de perturbation…”, pensa Emma.
Elle tenta de déceler dans le regard de Jean-Claude un signe, un indice, une lueur qui l’aiderait dans son dilemme existentiel. Jean-Claude, s’accrochant aux accoudoirs tandis que l’appareil faisait des siennes, mit fin au chamboulement mental dans lequel Emma avait plongé.
- Savez-vous pourquoi je prends toujours du champagne dans les avions?, chuchota Jean-Claude à l’oreille d’Emma.
- Dites-moi... s’empressa de répondre l’investisseuse aguerrie.
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