Les 4 leçons de gestion de la Coupe du Monde
Les 4 leçons de gestion de la Coupe du Monde
Nous ne sommes pas des commentateurs sportifs, mais nous profitons de l’intérêt collectif du moment pour tenter l’analogie entre la construction d’un portefeuille et celle d’une équipe de football. Les Coupes du Monde, -comme les Jeux Olympiques- nous livrent de précieux enseignements pour la gestion. En effet, le sport et les marchés ont en commun d’être des épreuves répétées où des aléas peuvent nous contrarier à court-terme. Pourtant, à long-terme, les tendances prévalent et tout n’est pas simplement affaire de hasard. À partir des données sur cinquante années de Coupe du Monde, nous tirons quatre enseignements stratégiques sur le succès de long-terme qui se vérifient dans la gestion.
1. La performance passée ne préjuge pas de la performance future
Sur les 13 champions des 50 dernières années, aucun pays n’a conservé son titre, et 2018 ne fera pas exception, avec l’élimination de l’Allemagne au premier tour. Pire, moins d’un quart des champions en titre n’atteint les demi-finales. Depuis vingt ans, la tendance s’est encore renforcée, puisque 80% des champions en titre sont éliminés en phase de poules. Le gain d’une Coupe du Monde doit aussi beaucoup à la chance, dont celle d’avoir gagné une finale quatre ans plus tôt contre une équipe toute aussi forte. Si la victoire a récompensé une forte prise de risque, alors le statut de favori sera d’autant plus fragile. C’est aussi le cas dans la gestion. Le meilleur gérant de l’année, n’est pas présent sur le podium l’année suivante.
2. La régularité bat le panache !
Sans être championne à chaque édition, l’Allemagne possède pourtant le meilleur palmarès, devant le Brésil, grâce à une incroyable régularité. Sur 50 ans, les statistiques de la FIFA montrent que la Mannschaft est l’équipe la plus performante du monde avec 3 coupes, 7 finales, 10 demi-finales et un taux de victoire de 64%. Le Brésil finit second, avec 3 coupes, 4 finales et 7 demi-finales, avec pourtant 68% de victoire. L’italie est troisième dans un mouchoir de poche avec l’Argentine, tous deux avec 2 titres, deux finales perdues, mais une place de troisième pour la Squadra azzurra. Par ailleurs, un palmarès inégalé en coupe d’Europe avec 3 victoires et 6 finales, confirme la domination de la Mannschaft sur le ballon rond.
Le facteur clé de ce palmarès sur long-terme est évidemment la régularité de l’équipe d’outre-Rhin, elle s’est toujours qualifiée, et surtout elle a atteint les finales à chaque décennie quels que soient les styles de jeu dominants. Ils coiffent ainsi au poteau les Brésiliens considérés pourtant comme les rois du foot avec le record de taux de victoire. En réalité, ces derniers - plus flamboyants- ont été prisonniers d’un style de jeu ouvert et offensif qui les a pénalisés de 1974 à 1990. Ils ont eu un grand passage à vide, lorsque les tactiques défensives se sont révélées plus efficaces sur le terrain. Celles du “catenaccio” qui ont justement donné aux italiens, un titre en 1982 et une 3e place en 1990.
3. Le collectif compte plus que les individualités
La domination de l’Allemagne est loin d’avoir été absolue. Sur des périodes plus courtes, des équipes championnes ont été dominantes sur trois-quatre ans, parmi lesquelles le Brésil de Pelé de 1970 avec 77% de victoire, et la France de 1998 à 2001, avec 73% de victoire. Mais la plus performante d’entre toutes a été l’Espagne de 2008 à 2012, avec un taux de victoire de 84%, et une succession inédite de trois trophées majeurs Coupe d’Europe 2008-Coupe du Monde 2010 et Coupe d’Europe 2012. La composition de cette équipe -a priori la plus forte de tous les temps- confirme une évidence pour un sport collectif : Le succès ne repose pas sur la simple somme des individualités.
Tout comme un portefeuille, il faut considérer les interactions des éléments entre eux, aussi performants soient-ils. On découvre ainsi qu’aucun des joueurs n’avait reçu de ballon d’or, qui célèbre le meilleur joueur de la saison, mais que sept joueurs partagent le même maillot toute l’année, celui du Barcelone, où le jeu collectif est quasiment religion. Le Real Madrid y contribue aussi significativement avec cinq joueurs, qui permettrait à un sélectionneur de former un onze de départ avec seulement deux clubs ! Si l’Allemagne possède un beau palmarès, elle le doit aussi sûrement à son collectif puisque la Mannschaft compte toujours entre quatre et sept joueurs du Bayern de Munich, et qu’à chacune de ses victoires, au moins six joueurs venaient du Bayern.
4. Une équipe est formée de joueurs complémentaires: offensifs et défensifs
Il est tentant de vouloir copier ces équipes pour augmenter ses chances de victoires. Mais il est impossible de répliquer, en quelques mois, ce qui a pris une génération aux Espagnols. La construction d’un collectif n’est pas une décision tactique, c’est une construction stratégique. C’est-à-dire qu’elle implique des décisions prises bien en amont des matchs, et des tournois. Par ailleurs, chaque match possède une forte dose d’aléa, en particulier au football où les scores sont peu élevés. La stratégie « allemande » ne marche pas à tous les coups, elle fonctionne, en moyenne, sur une répétition de matchs. Il s’agit de maintenir le cap et malgré les défaites occasionnelles de rejouer en gardant la stratégie inchangée, en corrigeant éventuellement les choix tactiques.
La construction de portefeuille s’inscrit elle-aussi dans le temps long, puisqu’elle est confrontée à court-terme à l’aléa des marchés. Par conséquent, il est nécessaire de constituer -en amont- un noyau stratégique performant sur lequel on pourra ensuite orienter tactiquement le biais défensif ou offensif à court-terme, en fonction des conditions de marché. Pour ce faire, on combine des actifs que l’on constate complémentaires sur longue période. On observe « comment ils jouent ensemble », sur de nombreux intervalles de temps, pour garder les meilleures associations. En pratique, on étudie les corrélations historiques. Une telle construction n’implique pas forcément un biais structurellement défensif. On gardera à l’esprit que la sélection allemande possédait à fois la meilleure attaque sur les 50 dernières années à 2,1 buts par match, mais que sa pire défaite se situe seulement à 0-3, alors que le Brésil a déjà sombré 1-7, et la France a connu les 0-5.
Forts de ces quatre enseignements, achevons l’analogie footballistique avec un portefeuille qui répliquerait une formation 4-4-2 classique à partir de classes d’actifs:
- les obligations d’état de l’OCDE feraient office de bloc défensif (les numéro 2 et 3), les obligations d’entreprise avec les matières premières comme l’or seraient récupérateurs avec des styles très différents en étant respectivement « Stoppeur (4) » et « Libéro (5) ».
- Les actions des pays développés, Europe (6), Japon (7), Autres OCDE (8), US (10) constituent le gros du milieu de terrain, les actions à petites capitalisations (9) ou celles des pays émergents (11) sont à l’avant comme l’avant-centre et l’ailier gauche.
- Dans les buts, les liquidités (1) se placent comme le rempart ultime, le gardien. Elles ne contribuent que faiblement à la performance, mais en alternance avec les obligations elles protègent les portefeuilles.
- Le banc des remplaçants (12-13-14, etc.), permet de faire tourner l’effectif à partir des obligations émergentes, celles à haut rendement, les actions de secteurs ou de régions spécifiques. Dans des configurations de marché plus chahutées, on peut également faire rentrer des éléments moins classiques, comme l’énergie.
On recherche le meilleur portefeuille pour longtemps, celui qui réduit le risque d’aléa de court-terme, éloignant ainsi, l’ennemi de l’investissement à long-terme : le risque d’une forte perte intermédiaire qui provoque généralement un abandon de la stratégie avant-terme. En résumé des quatre leçons tirées du foot, la stratégie gagnante est d'obtenir la « championne des allocations », et non pas "l'allocation des champions".