Bien investir consiste pour une bonne part à ne pas faire n’importe quoi. Les deux n’importe-quoi du jour (comme diraient les Américains) sont la trouille et la cupidité.
L’inculte américain et l’inculte français
L’Américain de base serait prêt à jouer à la roulette russe avec cinq balles dans le barillet si ça pouvait lui donner une chance de devenir riche. Le Français moyen aurait peur de jouer à la roulette russe même sans balle dans le barillet.
Quand ils regardent les données historiques de la bourse, les Américains ne voient que les hausses et les Français ne voient que les baisses (mais pour l’immobilier ils ne voient que les hausses). Par appât du gain, les Américains n’hésiteront donc pas à mettre tout leur argent sur la dernière spéculation à la mode (sociétés Internet à la fin des années 90, subprimes ou Madoff plus récemment). Par couardise, la plupart des Français hésitent à investir ne serait-ce que dix euros dans un placement boursier même largement diversifié.
Ceux qui veulent trop gagner vont parier tout leur argent sur des spéculations hasardeuses et y perdre beaucoup très brutalement. Ceux qui ont trop peur de perdre vont laisser dormir tout leur argent pendant des décennies sur un livret ou une assurance-vie en euros et devoir se contenter de maintenir le pouvoir d’achat de leur argent. Ça n’est certes pas le même genre de grosse inculture qui tache, mais c’est quand même aussi inculte.
Les incultes font toujours tout à contretemps
Quand les marchés chutent les investisseurs ont peur d’être ruinés, et quand les marchés montent ils rêvent de devenir millionnaires. Le problème n’est pas tant qu’ils soient trouillards ou cupides (même si à la base ça n’est pas très glorieux). Le problème c’est surtout que ces incultes font tout à contretemps.
Plus les cours baissent et plus ils ont peur (et donc envie de vendre), plus ça monte et plus ils sont appâtés par le gain (et plus ils ont envie d’acheter). Le résultat est que l’inculte achète souvent quand le plus gros de la hausse est passé, c’est-à-dire qu’il achète cher à un moment où les cours ne peuvent plus guère que chuter. Et ce même inculte (ou si ce n’est lui c’est donc son frère) vend souvent vers la fin de la baisse, c’est-à-dire qu’il brade ses titres à un moment où les cours ne peuvent plus que remonter.
Le cycle de la pusillanimité et de la cupidité est donc à contretemps par rapport au cycle des marchés. Warren Buffett, qui n’est pas un inculte, disait ainsi qu’il faut avoir peur quand les autres (les incultes) sont appâtés par le gain, et qu’il faut être cupide quand les autres ont peur.
Les incultes confondent courage et cupidité
Faire le contraire des autres incultes, c’est facile à dire mais pas forcément facile à faire. Ce qui est plus facile à faire est de n’être jamais trop cupide et de ne jamais avoir trop peur. Pour ça il faudrait d’abord que les incultes sussent ce qui risquerait de les faire paniquer. Mais s’ils savaient ça (et conjuguer), ce ne seraient pas des incultes. Ce qu’ils savent sans doute (mais ne font pas pour autant) c’est qu’ils devraient placer régulièrement leur argent, que les cours montassent ou qu’ils baissassent.
Il existe certes une minorité d’incultes français qui se prennent pour des incultes américains et qui cherchent à s’enrichir rapidement. Mais pour la majorité de la population française le risque n’est pas tant de faire un pari fou que de ne rien faire du tout : entasser de l’argent sans le placer, au lieu de le faire fructifier le laisser moisir sur un livret d’épargne. Le problème est que les incultes français pensent que mieux placer leur argent c’est être cupide, quand c’est juste être moins trouillard.