Nous recevons aujourd’hui Delphine Pinon, entrepreneur, coach et créatrice du podcast Budget Chéri dans lequel elle parle de son sujet favori : l’argent et le mindset.
Dans cette tribune, Delphine évoque le budget, la pression sociale, la magie des podcasts, les doubles vies, et quelques pistes pour mettre son argent au service de ses réels objectifs de vie (non, changer la chaudière n’en est pas un !).
Bonjour à tous les lecteurs et lectrices du blog, et merci à Yomoni de m’avoir invitée dans cette tribune.
Je vais commencer par une question : la façon dont vous dépensez votre argent est-elle au service de vos objectifs de vie ?
Je ne parle pas d’objectifs tels que financer des vacances, changer de voiture, préparer la retraite... Mais de vos réelles valeurs de vie.
Voici comment j’en suis arrivée à me poser cette question.
Il y a quelques années, je gagnais bien ma vie (3 300 euros net par mois, ce qui est tout à fait correct pour Paris). Cependant, je trouvais que je n’avais jamais assez pour financer mes vraies envies. Je voulais voyager, faire un tour du monde, lancer une application... tout en continuant à aller au resto régulièrement et à bien m’habiller.
Mes projets à moyen terme m’intéressaient, mais je n’avais jamais assez d’argent pour les financer. L'argent partait plus vite que je l'aurais voulu, sans que je sache vraiment où et comment.
Alors je me suis mise à faire un budget. Oui, ce n’est pas sexy. Oui, c’est associé à la privation. Lorsque j’en parlais avec enthousiasme, on me regardait avec mépris. Pour beaucoup de personnes, faire un budget est réservé à ceux qui n’ont pas le sou, ceux pour qui chaque euro compte.
Mais j’étais si frustrée de vivre uniquement à court terme que j’étais prête à vivre avec ce préjugé. Mon but n’était pas de trancher dans les dépenses pour éviter le découvert, mais de réorienter mes dépenses au service de mes objectifs.
Voyant les résultats arriver (j’ai mis de côté 20 000 euros en 1 an), je me suis prise de passion pour le budget et ai lancé un podcast pour partager mes découvertes.
J’ai alors réalisé que beaucoup d’auditeurs partageaient mon histoire.
Des bons revenus, mais aucun patrimoine
Les podcasts ont un côté magique. On les écoute souvent seul : en voiture, en courant, en se baladant… Parfois en pleine nuit, dans le noir total, les écouteurs dans les oreilles, les pensées guidées par une voix. Je crois que le format particulier de ce medium a contribué à créer une proximité et permis de dépasser les tabous autour de l’argent.
Certains auditeurs m’ont considérée comme une confidente. À qui d’autres peut-on parler d’argent en toute sincérité ?
J’étais contactée par des personnes qui, malgré un bon salaire (parfois le triple du mien), ne parvenaient pas à accumuler l’argent, à le conserver, à se créer un patrimoine… Bref, qui gâchaient leur potentiel, tout simplement.
Ces personnes étaient enfermées dans une forme de routine : elles dépensaient, sortaient, partaient en vacances… mais rien n’avait de réel sens. Bien sûr, sur le papier, elles cochaient toutes les cases pour être heureuses : la belle maison, les beaux meubles, la belle voiture, les vacances lointaines une fois par an, les belles fringues, les restos réguliers avec les bons vins et le retour en Uber, les enfants dans une crèche coûteuse ou dans une école privée…
Bref, elles se sentaient comme des bons élèves de la société de consommation, parfaitement adaptées au modèle sociétal. Parfois même, elles étaient si bonnes élèves qu’elles se mettaient à découvert pour répondre encore davantage aux injonctions à consommer.
Et, bien sûr, elles refusaient de faire un budget : ce serait un déclassement social.
Elles vivaient sur des rails, en mode pilote automatique. Mais dans cette consommation, il n’y avait pas de réel plaisir. Rien de durable n’était construit. Elles n’étaient pas prises aux tripes par leur vie. Tout ça pour ça.
Au fil des rencontres, j’ai découvert que la sécurité financière n’est vraiment pas une question de revenus. De nombreuses personnes à hauts revenus sont à découvert ou n’ont aucun patrimoine.
Ce mal-être existe, mais il est indécent d’en parler. On se souvient des railleries autour de la députée obligée de manger des pâtes.
Alors certains de mes auditeurs menaient une double vie. Flambeur en public, misérable en privé, allant parfois même jusqu’à cacher la situation à leur conjoint.
Un cadre supérieur capable de diriger une équipe de 40 personnes, mais terrorisé par un rendez-vous avec un conseiller bancaire…
Votre patron, votre médecin, votre avocat sont peut-être dans ce cas. Vous êtes peut-être vous-même dans ce cas.
La pression sociale… mais pas uniquement
J’avais le diagnostic, mais je sentais que le budget, qui m’avait tant aidée, ne ferait pas tout. Je me suis mise à chercher les “pourquoi”.
D’abord, la pression sociale, évidemment. Un médecin doit avoir un bon train de vie : c’est presque attendu.
Mais que faire lorsque l’on est un médecin hospitalier qui gagne 2600 € par mois à 35 ans, que l’on a commencé à travailler tard sans avoir pu accumuler aucun patrimoine (faire des gardes ne paye quasiment rien), alors que ses amis de lycée, qui ont le même âge et le même niveau d’études, gagnent bien mieux leur vie ?
Est-ce qu’il faut accepter toutes les invitations à sortir ? Les week-ends en bateau à 1000 € par personne ? Comment dire “non, je suis un peu serré sur le budget” lorsqu’on est vu comme un notable ? Et comment se projeter dans l’achat d’un logement capable d’accueillir une famille quelques années plus tard ?
D’autres facteurs existent. La société de consommation qui pousse à dépenser, évidemment. Je ne développerai pas ce point, il est presque trivial.
Mais il existe aussi des facteurs plus personnels.
Des histoires particulières, parfois douloureuses, qui peuvent inhiber la faculté à conserver son argent, ou créer des vulnérabilités.
Par exemple :
- Un héritage familial dans lequel l’argent a causé des drames, où il est vu comme un facteur de trouble plutôt qu’un facilitateur
- L’envie, consciente ou non, de “faire payer” quelque chose à ses parents ou à son conjoint en restant perpétuellement à charge financièrement
- L’auto-sabotage par peur de réaliser ses projets à long terme
- L’envie de paraître généreux
- L’adoption de marqueurs sociaux pour compenser un manque de confiance en soi
- L’envie de tout donner à ses enfants, quitte à mettre son propre avenir en péril
- et de très nombreuses autres histoires personnelles uniques.
Confrontée à toutes ces confessions (parfois j’étais la première personne à qui l’on racontait cette histoire), j’ai compris l’importance du sujet dans la vie de ces personnes, et surtout l’amélioration immense qui pouvait survenir si leur situation se redressait...
J’ai aussi senti toute la honte, le mal-être, la solitude, la culpabilité… Car les personnes sont souvent bien conscientes de leur situation. Elles reçoivent beaucoup d’injonctions au bonheur : elles se doivent d’être heureuses avec leurs revenus.
Ici, je ne parle pas des personnes qui ont des revenus insuffisants, qui peinent à joindre les deux bouts et pour qui les solutions sont totalement différentes.
Je parle de personnes qui gâchent leur potentiel en dépensant leur argent dans des futilités qui les frustrent plutôt qu’elles les nourrissent. Le terme “stagner” revenait souvent dans mes entretiens.
Elles ont la sensation de stagner dans leur vie.
Découvrez le projet qui vous ressemble
Gagner plus d’argent ne fait pas toujours le bonheur
Daniel Kahneman, chercheur et théoricien de l’ “économie du bonheur”, évoque un seuil à 5000 € par mois : au-delà, les revenus cessent d’apporter un bien-être émotionnel (son propos est en réalité un peu plus complexe, je vous invite à lire ses travaux).
De mon point de vue de témoin, j’ai pu constater que le seuil des 4000-5000 euros déclenche souvent des dépenses inconsidérées.
Arrivé à ce stade, l’employeur demande souvent un engagement plus fort et une disponibilité importante avec tout ce qui va avec : retour au domicile en taxi car chaque minute de temps libre devient précieuse, frais supplémentaires pour se faire livrer à manger car on n’a plus l’énergie de cuisiner ou de faire les courses, garde d’enfants, loisirs plus onéreux pour décompresser, dress code, participation à des événements sociaux le week-end… vous voyez certainement l’idée si vous y avez été confronté. Il faut aménager sa vie pour le travail.
Parfois, le jeu n’en vaut tout simplement pas la chandelle. Trop d’énergie dépensée pour de l’argent qui ne nous rend pas plus riche, ni d’argent, ni d’expériences.
Le lien entre bonheur et revenus n’est certainement pas linéaire : dans certains cas, il peut plafonner.
En conséquence, fort logiquement, passé un certain seuil de revenus, certaines personnes se mettent à dépenser beaucoup, à la recherche d’un bonheur illusoire qui serait la récompense de tous leurs sacrifices.
Elles estiment avoir bien mérité de ne plus avoir à compter, à regarder les prix, pouvoir déléguer ce qu’elles n’aiment pas faire, etc.
Après tout, l’argent sert à ça, non ?
Le problème, c’est que :
- cela fonctionne rarement
- cela entraîne un risque de déraper, de vivre au-dessus de ses moyens (lorsque cela ne fonctionne pas, on peut s’imaginer que c’est parce que le train de vie n’est pas assez élevé, c’est le principe de l’adaptation hédonique).
Des méthodes pour sortir de ce cercle sans fin
Comment s’épanouir sereinement ?
Comment cesser de vivre au-dessus de ses moyens, sans pour autant se priver ?
Comment trouver une satisfaction durable, plutôt que de vivre en pilote automatique ?
Voici ce qui a fonctionné chez les personnes que j’ai accompagnées.
Mais d’abord, je suis désolée de vous l’annoncer, mais vous allez devoir apprendre à tenir un budget (malgré tous les préjugés que vous avez sur cette technique).
C’est assez simple, vous pouvez vous former rapidement avec internet, un livre, Youtube, etc. donc je ne reviendrai pas sur la technique et les outils. Vous pouvez utiliser aussi la méthode “des enveloppes”, que j’ai moi-même adoptée et adaptée.
Cependant, le budget ne fera pas tout.
Ce qui compte vraiment, c’est d’aligner vos dépenses avec vos objectifs de vie personnels.
C’est la seule façon pour :
- trouver de la satisfaction dans votre dépense (ou dans votre épargne)
- ET couper définitivement et facilement les dépenses qui ne vous apportent rien.
Si vous n’avez pas le sens, couper dans la dépense sera vécu comme une frustration. Ce sera douloureux ou non durable.
Trouver ses projets de vie
Il vous faut le sens. Et c’est là que tout le monde a des difficultés.
C’est normal. Le métro boulot dodo, le travail 5 jours sur 7, les 5 semaines de congés payés + RTT sont tellement ancrés en nous que cette recherche peut sembler insurmontable.
Quel est votre réel projet de vie ?
- Pouvoir partir surfer lorsqu’il est 15 heures et qu’il y a du vent ?
- Voyager dans un van ?
- Être freelance et pouvoir sélectionner vos clients pour ne travailler que sur les projets qui vous font vraiment plaisir ?
- Quitter votre conjoint ?
- Faire un autre métier ?
- Arrêter de travailler à 40 ans ?
- Assurer un avenir à vos enfants ?
- De quoi voulez-vous être riche ? D’amitiés sincères, de compétences, de récits de voyages ?
Avant de mieux utiliser votre argent, vous devez vous poser ces questions et y répondre. Savoir où vous voulez aller.
Mettre son argent au service de ses projets de vie
Ce n’est qu’après avoir trouvé ce qui vous guide que vous pourrez élaborer des plans financiers pour y arriver (car il vous faudra sans doute du temps et/ou de l’argent !).
Parfois il faudra épargner, parfois dépenser judicieusement (formations). Parfois, vous aurez à accepter de réduire vos revenus pour gagner du temps libre.
L’essentiel est de trouver votre chemin personnel.
Voici un exercice que j’aime beaucoup. Il consiste à lister :
- d’un côté, 5 choses qui ont coûté cher et pour lesquelles vous avez eu peu de plaisir,
- de l’autre, 5 choses qui n’ont pas coûté cher et desquelles vous avez retiré du plaisir.
L’idée est de vous révéler à vous-même ce qui compte vraiment pour vous.
Vous découvrirez certainement des dépenses à retirer de votre budget sans douleur. Peut-être même que ce sera un soulagement.
(si vous êtes perfectionniste et aimez l’introspection, vous pouvez chercher la motivation de chacune des dépenses inutiles : besoin de validation, de compenser, de sécurité… Mais c’est totalement facultatif !)
Cet exercice est très personnel, c’est la raison pour laquelle je ne dirai jamais à quiconque de couper tel ou tel poste de dépense. En général, on sent très bien si une dépense va dans le bon sens ou non.
Pour passer de la théorie à l’action
On peut apprendre le budget seul, on peut aussi définir ses objectifs de vie seul.
L’étape la plus difficile est la suivante : celle où il faut incarner le sujet, passer à l’action.
Souvent, la vision théorique est bien assimilée, le plan est tracé, mais il manque quelque chose pour le mettre en pratique.
Si vous êtes bloqué à ce stade, posez-vous des questions très spécifiques :
- Si mon plan de vie est réaliste et réalisable, pourquoi je ne me donne pas le droit concrètement de le faire ?
- Pourquoi ne plus aller au resto plusieurs fois par semaine vous fait vous sentir pauvre ?
- Pourquoi ne vous sentez-vous pas en sécurité avec 50 000 euros d’épargne de précaution ?
Cela demande nécessairement un travail d’introspection (oui, encore un !). Pour y parvenir, chacun sa préférence. On peut y penser, lire, écrire, en parler à un partenaire, un parent, un ami, un psy, un thérapeute, un coach… Verbaliser aide.
L’important est de trouver le déclic qui vous mettra en mouvement. Il est important de ne pas rester dans l’inaction, dans l’accumulation d’un savoir purement intellectuel.
C’est alors seulement alors que vous arriverez à dépenser (ou épargner) de façon plus consciente, plus constructive, en ligne avec vos réels objectifs de vie. Vous trouverez le courage de dire non si une sortie n’est pas prioritaire pour vous. Vous réaliserez vos projets à long terme.
Ces nouveaux mécanismes auront une source organique, ils seront donc plus durables que s’ils étaient nés d’une contrainte externe, comme le ferait un coach qui contrôlerait votre budget.
Je vais m’arrêter là. Cette tribune est déjà longue. Si vous vous êtes reconnus dans les situations que j’ai évoquées, sachez que vous êtes loin d’être seul(e). Mais la bonne nouvelle, c’est que j’ai vu des transformations considérables (dont la mienne). Il est toujours temps de redresser la barre !
Projetez-vous et voyez-vous dans 20 ans. Imaginez que vous êtes en train de vous remercier. De quoi vous remerciez-vous ?
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