Yomoni : investissez mieux !

Dans cette Tribune nous recevons Edouard Petit, investisseur particulier passionné d’investissement. Edouard a acquis une expertise sur la gestion passive et plus largement la gestion de patrimoine. Il a écrit un livre sur la gestion passive, Épargnant 3.0, qui en est à sa troisième édition. Il gère aussi un blog sur l’investissement indiciel et les ETF, propose une formation en ligne et enseigne à l’ESCP.

Bonjour Edouard. Au cœur de ta stratégie d’investissement, il y a la notion d’efficience des marchés. Peux-tu nous en dire plus ? Et qui est ce prix Nobel d'Économie que tu évoques sur ton site ?

L’efficience des marchés est une théorie selon laquelle les cours des instruments financiers cotés sur le marché boursier sont le résultat de l’intelligence collective de tous les gérants du monde.

L’information est immédiatement reflétée dans les cours, de même que les changements d’anticipations concernant l’avenir.

Dès lors, il est très difficile pour une intelligence individuelle, que ce soit celle d’un investisseur individuel ou un investisseur professionnel, de faire mieux que l’intelligence collective du marché.

On doit cette théorie à Eugène Fama (formulée pour la première fois en 1970, prix Nobel en 2013). Même si Fama tempère cette théorie en reconnaissant plusieurs formes d’efficience (elle n’est jamais parfaite), cela met en évidence que l’étude individuelle des entreprises est une tâche vaine. En quelque sorte, toutes les décisions se valent ! Aucun achat n’est intrinsèquement une bonne ou mauvaise affaire, car tout cote “à son juste prix”.

La gestion active qui consiste à sélectionner une à une les valeurs les plus prometteuses n’a pas sa place dans un monde efficient. La meilleure stratégie consiste à acheter tous les titres du marché, en proportion de leur taille. C’est la gestion passive : elle réalise la performance du marché, tout simplement.

En 1991, le prix Nobel d’Économie William Sharpe a théorisé ce qu’il appelle “l’arithmétique de la gestion active” (article repris ici) :

  • La performance moyenne de la gestion active est égale avant les coûts à la gestion passive.
  • La gestion active a des coûts plus importants que la gestion passive.
  • La performance de la gestion active, nette de frais, est nécessairement inférieure à la gestion passive.

En pratique, c’est vrai : peu de gestionnaires actifs arrivent à faire mieux que le marché sur le long terme.

Pour suivre les indices, les ETF sont idéaux ?

Les ETF sont d'excellents instruments pour suivre les indices, car ils sont conçus pour cela avec de très faibles coûts.

Mais attention aux terminologies : si l’on croit en l’efficience des marchés, il faut être indiciel, pas forcément ETF. Des fonds mutuels (OPCVM) indiciels font très bien l’affaire s’ils suivent un indice simple et ont des coûts faibles.

C’est l’occasion de rappeler qu’ETF signifie “exchange-traded fund”, soit “fonds négociable en bourse” (FNB en français), c'est-à-dire achetable comme une action en cours de journée, plutôt qu’une fois par jour comme les OPCVM classiques. ETF n’est pas synonyme d’indiciel ! Rien n’empêche à un ETF d’avoir des frais de gestion élevés et/ou de suivre des indices discrétionnaires, qui n’ont rien à voir avec le marché.

D’ailleurs, aux États-Unis, le marché de l’indiciel est partagé entre des fonds mutuels (qui cotent une fois par jour) et des ETF (qui cotent en continu). Les deux solutions sont parfaitement valables. Vanguard, le pionnier des fonds mutuels indiciels, a été créé en 1975, et se porte très bien aujourd’hui.

En Europe, où l’indiciel a décollé plus tard, on est majoritairement en ETF.

Parlons des indices boursiers justement. Il y a désormais pléthore d’indices. Les indices très spécifiques ont-ils une utilité ?

C’est vrai, il y a de plus en plus d'indices et on peut être tenté de miser sur une belle histoire ou une performance passée grâce à un ETF. Mais ce n’est pas toujours une bonne affaire !

Les belles histoires d’entreprises ne font pas forcément les performances boursières. L’histoire boursière peut prendre une autre voie que l’histoire économique d’un secteur !

J’évoque ce biais sur cette page, concernant l’ETF Nasdaq : (même si, ici, le pari Nasdaq fonctionne plutôt bien depuis quelques années, cela reste un pari).

En règle générale, il faut être conscient que dès que l’on dévie des indices larges pondérés par la capitalisation et sans biais sectoriel (comme le S&P 500 aux US), alors on fait un choix actif.

Et au niveau géographique ? Doit-on idéalement suivre le même principe, celui d’une répartition internationale en proportion des capitalisations boursières ?

La répartition géographique idéale est un vaste sujet ! J’y consacre un module entier dans ma formation tant le sujet est complexe.

Le marché actions peut être représenté par un indice large tel que l’indice MSCI ACWI qui comprend à la fois les pays développés et les pays émergents. Dans le meilleur des mondes, il faudrait prendre la version IMI, qui contient des petites capitalisations.

C’est censé être l’allocation de base d’un investisseur rationnel. Cependant, certaines raisons peuvent le pousser à dévier de cette allocation.

Il y a deux sujets, le premier est celui de la représentativité des indices.

Qu’est-ce qui représente le mieux l’intégralité du marché ? Faut-il pondérer les pays selon  la capitalisation des entreprises, leur flottant (la valeur des actions cotées en Bourse), le PNB du pays, sa population, son taux de croissance ?

Les pays dits "Émergents" par exemple, représentent environ 10 % de l’indice MSCI ACWI, mais beaucoup plus si l’on considère le poids économique et encore plus si l’on pondère selon la croissance. Il n’y a pas de bonne réponse, mais ce choix aura un impact sur votre portefeuille et son évolution.

Le deuxième sujet est celui des biais personnels. On peut posséder des actifs qui nous obligent à avoir une surexposition qu’il faut corriger, par exemple, des actions de son entreprise (actions gratuites ou à faible coût).

Un salarié de la tech US qui investit son épargne sur le Nasdaq n’est pas diversifié, il a intérêt à se sous-pondérer en technologies s’il ne veut pas cumuler les risques.

En pratique, le souci est souvent un biais local : typiquement, un investisseur français possède majoritairement des actions françaises. Le risque est de ne pas profiter de la performance des marchés internationaux… tout en subissant un risque supérieur lié à la faible diversification géographique.

Rappelons pour les investisseurs novices, que plus on est diversifié sur des actifs peu corrélés (c'est-à-dire, qui n’évoluent généralement pas à l’identique), plus on réduit la volatilité (l’ampleur des variations du portefeuille).

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Comment définit-on le risque ?

De manière générale, le risque est mal expliqué par les fournisseurs de solutions financières et mal compris par les épargnants.

Le risque est souvent défini comme la volatilité : l’ampleur des variations d’un cours autour de sa tendance moyenne.

Si deux actions sont passées de 100 € à 110 € au cours de l’année, celle qui l’aura fait en ligne droite sera qualifiée de moins risquée que celle qui est passée par 200 euros avant de redescendre à 110 €.

C’est la version la plus mathématique du risque. Elle est critiquable à de nombreux égards, notamment parce que la volatilité passée n’est pas forcément celle du futur. Mais il y en a tellement d’autres mesures du risque :

  • Le risque de concentration d’un portefeuille, dont on parlait plus tôt (diversification insuffisante)
  • Le risque de ne pas obtenir le rendement d’un produit financier à cause de notre propre comportement (on a vendu car on a paniqué, par exemple). Morningstar calcule régulièrement le “investor return vs asset return” qui est assez éloquent.
  • Le risque d’illiquidité : ne pas pouvoir vendre son placement rapidement (immobilier physique, private equity…)
  • Le risque de ne pas atteindre son objectif à long terme : par exemple, le livret A a des chances significatives de faire moins bien que l’inflation sur le long terme. On est donc quasiment certain de perdre du pouvoir d’achat. N’est-ce pas une forme de risque importante que de garder trop d’argent dessus ?
  • Le risque produit : l'innovation financière fait parfois des bonnes choses en règle générale, il y a peu d'intérêt à se jeter sur un nouveau produit ou nouveau format juridique… Les actions et les obligations, éventuellement packagées dans un ETF, restent des formats parfaits pour investir, pas besoin de chercher plus loin…

Nous avons évoqué le risque de concentration un peu plus tôt. Pour y remédier, il faut diversifier. Comment bien le faire ?

Lorsque l’on évoque la théorie des marchés efficients on parle de l’investissement dans les actifs actions et obligations. Cependant, on peut diversifier dans d’autres secteurs comme l’immobilier, que ce soit en direct, au travers de SCPI (Sociétés Civile de Placement Immobilier) ou du crowdfunding immobilier. En théorie, un portefeuille de marché devrait comprendre tous les actifs disponibles (y compris or, Bitcoin, objets de collection, etc.).

Pour bien diversifier, il faut bien comprendre l’actif, et s’assurer que les frais sont acceptables. Le marché actions est très efficient, transparent et permet d’investir à bas coût, c’est pourquoi c’est un investissement très pertinent dans tout patrimoine. Les autres classes d’actifs n’ont pas toutes ces qualités.

Cette diversification a de plus en plus de sens à mesure que la performance des obligations et des fonds en euros baisse. Aussi certains acteurs cherchent à rendre ces marchés plus attractifs, en rendant l’expérience plus digitale et en baissant les frais, notamment sur les SCPI.

À titre personnel, comment as-tu organisé ton patrimoine ?

À titre personnel, je me focalise sur les investissements dont les actifs ont été étudiés par les plus grands chercheurs depuis longtemps et qui permettent d’avoir du recul. Je choisis aussi des investissements transparents, facilement compréhensibles, avec des frais faibles et dont la gestion prend très peu de temps, j’ai l’habitude de dire que je m’en occupe 1 minute par mois !

Concrètement, j’investis en ETF actions et obligations ainsi que dans des fonds en euros, dans diverses enveloppes fiscales (PEA, Assurance Vie, PER).

Mais je diversifie au fur et à mesure, notamment avec des SCPI. Pour certaines personnes cela peut être intéressant. Il y a des nouveaux acteurs sur le marché qui sont intéressants.

Je m’intéresse aussi au crowdfunding immobilier, mais je n’ai pas encore franchi le pas.

Tu n’as pas l’âme d’un investisseur immobilier “en dur” ?

Je choisis les investissements qui prennent 1 minute par mois, car je souhaite me consacrer à mon travail, à ma passion, la finance (lire des analyses historiques et documents de recherche, transmettre mon savoir et non suivre l’évolution du prix des produits au jour le jour) et à ma famille. On peut créer de la valeur grâce à l’immobilier, mais cela demande un investissement en temps certain.

L’avantage de la gestion financière passive, c’est qu’on peut réaliser une excellente performance sans y passer du temps. Ce temps libéré peut être utilisé pour créer de la valeur dans l’immobilier physique si on le souhaite.

Tu es aussi formateur, en quoi consiste la formation ?

La formation a 3 niveaux, plus ou moins avancés : elle est donc accessible pour les débutants mais aussi très utile aux investisseurs expérimentés.

L'idée de la formation, c'est d'aider à créer sa propre politique d'investissement. La politique d’investissement est un document personnel, écrit, qui donne un cap : quel mix entre actions, obligations, immobilier et diversifications, quelle fréquence de suivi, etc.

Le bon choix est personnel, pour amener les stagiaires vers l’objectif, je donne des méthodologies, questionnaires types, outils, etc.

Tout mettre par écrit permet de moins y penser au quotidien, et d’éviter de dévier. C’est un moyen de tenir le cap, de ne pas remettre en cause ses décisions mûrement réfléchies pendant les moments difficiles. Cela rejoint le risque de “investor return vs asset return” dont je parlais plus haut.

On peut avoir la meilleure allocation d’actifs du monde, si on est incapable de la tenir car inadaptée à sa tolérance au risque, elle ne sert à rien.

Je me concentre aussi sur le chemin à parcourir pour arriver à la cible. Par exemple, comment passer concrètement d’un patrimoine investi à 100% sur des produits sans risque, dont des assurances-vie bancaires de faible qualité, vers une allocation optimisée à base d’ETF ? Le sujet n’est pas trivial.

Après la formation, certains stagiaires m'envoient le résultat de leur politique d’investissement, parfois je suis vraiment très impressionné ! (et ravi de voir que cela puisse autant faire avancer les gens).

En conclusion : quel conseil pour une personne qui ne souhaite pas s’occuper de ses finances, mais qui veut placer efficacement ?

Le point de départ de toute réflexion devrait être l’investissement dans le marché actions en minimisant les coûts. On peut le faire de façon indépendante (par exemple en se formant en suivant ma formation) ou en déléguant à des spécialistes de la gestion passive comme Yomoni.

Cela permet de ne plus s’occuper de ses investissements et on risque moins de faire des erreurs. On peut même faire les deux : les deux solutions se complètent plus qu’elles ne s’opposent.

On peut avoir des convictions qui dévient de l’avis général (acheter des actions individuelles) mais cela doit, à mon sens, être fait à la marge. On a très peu de chances d’avoir raison.

Merci Edouard !

Vous pouvez retrouver Edouard Petit, l’épargnant 3.0 sur :

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Les supports d’investissement présentent des risques de perte en capital.


Les supports d’investissement présentent un risque de perte en capital. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.


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