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Les femmes pas si vénales …

Les femmes pas si vénales …

De nombreuses études l’attestent, les femmes sont un peu fâchées avec les questions économiques et financières. Dans le sondage de TNS-Sofres « Les Français et l'économie » réalisé pour les Journées d’économie de Lyon de 2014, seulement 33% des femmes interrogées trouvaient « l’information économique compréhensible » contre 49% des hommes. Il n’est pas interdit d’y voir une plus grande sincérité face à une information économique qui, le plus souvent, n’hésite pas à reprendre, sans guère l’interroger, le jargon des économistes, histoire peut-être de paraître plus sérieux, plus … technique ! Il n’en demeure pas moins que cette gêne des femmes à l’égard de l’économie et notamment de la finance ressort également des enquêtes menées par le CREDOC pour évaluer La Culture financière des Français. A âge égal et niveau de formation comparable, les femmes ont de moins bons scores que les hommes sur des questions financière élémentaires, les femmes plus que les hommes s’en remettent à un conseiller et le sentiment de compétence est plus élevé chez les hommes que chez les femmes (ce qui nous renseigne autant sur le défaut de culture financière des femmes que sur l’excès de confiance des hommes !).

Le problème n’est pas que français. Une étude menée par Annamaria Lusardi et Olivia Mitchell en 2013 couvrant un large ensemble de pays fait état d’une ignorance financière généralisée, touchant encore plus fortement les femmes que les hommes. A des questions du genre « 100 euros placés à 2% rapporteront-ils au bout de 5 ans + de 102, - de 102, 102 ou je ne sais pas », « vaut-il mieux diversifier ses placements ou les concentrer sur un seul type d’actif » ou encore « quel est effet de l’inflation sur votre épargne ? », 96% des russes interrogés n’ont pas su répondre, 69% des Français n’ont pas su répondre non plus, seulement 30% des Américains donnent les trois bonnes réponses. Les meilleurs n’ont pas de quoi pavaner, en Allemagne et en Suisse, avec un score de seulement 50%.

Comment dans ces conditions les femmes gèrent-elles leur argent ? Les études disponibles, celles réalisés par les chercheurs en finance comportementale autant que les enquêtes réalisées chaque année pour établir le « Baromètre de l’Observatoire des femmes et de l’assurance » sont instructives. Il en ressort que les femmes épargnent plus mais prennent moins de risques.  D’après le baromètre 2016, 15% d’entre elles déclarent avoir une aversion à la prise de risque contre 6% des hommes, et 33% d’entre elles déclarent aimer prendre des risques contre 40% des hommes. La prise de risque financier est plutôt synonyme d’angoisse pour une majorité de femmes, alors même qu’elles sont plus nombreuses que les hommes à accepter de prendre des risques dans le domaine familial (24% contre 14%) ou dans leur couple (19% contre 13%). Ce biais de prudence rend les femmes très sensibles à la sécurité de leur placement et les rend aussi plus demandeuses voire même dépendantes des conseils de leur banquier.

Cependant, quand les femmes sautent le pas, et se retrouvent en position de gérer un portefeuille d’actifs risqués, ce biais de prudence constitue une vraie force. C’est ce qu’incitent à penser les résultats des études de finance comportementale consacrées aux comportements des investisseurs, qui mettent en évidence que les femmes réussissent mieux en Bourse que les hommes.[1] Les rendements nets qu’elles réalisent sont plus élevés car elles perdent moins d’argent que ne le font les hommes à multiplier les transactions (vendre, acheter, vendre, acheter…) et supportent donc de moindres coûts de transaction. On passe alors d’une histoire de gêne à une tout autre histoire de gène ! L’explication proposée par  les économistes adeptes des neurosciences résiderait, en effet, dans les hormones stéroïdiennes ! Il y aurait un lien entre la testostérone et l’appétit pour le gain et le risque, et entre le cortisol (principale hormone de défense de l’organisme, sécrétée en situation de stress, de risque) et l’aversion à l’égard du risque et de l’incertitude.[2] Le gain fait augmenter la testostérone (« winner effect ») qui accroît la prise de risque, tandis que le stress engendré par une volatilité anormale des cours boursier accroît le cortisol qui augmente l’aversion à l’égard du risque. Messieurs, vous dont le taux de testostérone est plus élevé que celui des femmes et qui sécrétez davantage de cortisol en situation de stress, vous portez donc une grande responsabilité dans l’instabilité les marchés boursiers : en période de fortes hausses des prix d’actifs, la testostérone vous fait réaliser trop d’achats, ce qui accentue le mouvement haussier et, en période de fortes baisses, le cortisol vous fait réaliser trop de ventes, ce qui précipite la chute ! Nous les femmes, moins sensibles au gain et gérant mieux le stress, serions moins déstabilisantes et donc bien inspirées de tenir les cordons de la Bourse ou de peupler davantage les salles de marchés !

Ce nouveau stéréotype de la femme fourmi, prudente et meilleure gestionnaire de portefeuille, quand elle accepte d’en détenir un, aura au moins le mérite de remplacer celui moins flatteur de la femme cigale et vénale !


[1]

Brad M. Barber & Terrance Odean, 2001, « Boys Will Be Boys: Gender, Overconfidence, And Common Stock Investment », The Quarterly Journal of Economics, 116(1), 261-292.

[2] Voir par exemple : J.M. Coates & J. Herbert, 2008, « Endogenous steroids and financial risk taking on a London trading floor », Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA, 105(16), 6167-72.

Les informations ci-dessus sont fournies à partir des meilleures sources en notre possession et ne présentent pas de caractère contractuel.

Jézabel Couppey-Soubeyran profile image Jézabel Couppey-Soubeyran
CONTRIBUTRICE EXTERNE - MEMBRE DU COMITÉ D'EXPERTS. Jézabel est maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et chargée de recherches au CEPII.

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