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J'ai rêvé d'un hélicoptère qui déversait des billets ! C'est grave Docteur Draghi ? (1/2)

J'ai rêvé d'un hélicoptère qui déversait des billets ! C'est grave Docteur Draghi ? (1/2)

Vrombissement d’hélicoptères au-dessus de vous ! Soudain, un nuage de billets de 300 euros tombe du ciel. Chacun ramasse tranquillement le billet de 300 euros qui lui revient comme si tout cela était attendu. Vous observez ce qui se passe avec le sentiment que tout cela est extrêmement étrange. Et comme cela vous arrive parfois, vous prenez peu à peu conscience que vous êtes en train de rêver en cherchant quelques détails pour en avoir la preuve : les billets de 300 euros n’existent pas, on n’a jamais vu des billets tomber du ciel fût-il par hélicoptère, et si par miracle cela arrivait, cela déclencherait une cohue indescriptible. Plus de doute, c’est bien un rêve, et pourtant vous aimeriez ne pas vous réveiller trop vite, histoire d’explorer cette expérience inédite.

Un rêve dans l’air du temps

Que vous en rêviez ou pas, l’idée de « monnaie-hélicoptère » est dans l’air du temps. A vrai dire, elle ressurgit car elle est assez ancienne. L’expression est attribuée à l’économiste Milton Friedman. A la fin des années 1960, cet économiste qui par la suite fut le mentor des années Reagan et Thatcher, expliquait que l’inflation (une hausse continue du niveau général des prix) ou, son contraire, la déflation (une baisse cumulative des prix dans un contexte dépressif où la production, l’emploi, la dépense se contractent) sont des phénomènes qui trouvent leur explication dans la quantité de monnaie en circulation. S’il y a trop de monnaie dans l’économie, les dépenses excèdent les capacités de production disponibles, le niveau général des prix augmente et il y a donc inflation. Dans le cas contraire, pas assez de monnaie, les prix baissent, la baisse s’auto-entretient, car moins de dépenses, c’est au bout du compte moins de chiffres d’affaires pour les entreprises, moins d’investissement, moins de production, moins d’emploi, moins de demande, et donc des prix qui ne cessent de baisser. Eviter l’une ou l’autre de ces deux situations passerait donc par un réglage de la quantité de monnaie en circulation : la faire baisser quand l’inflation menace, la faire augmenter – quitte à déverser des tonnes de billets par hélicoptère - quand la déflation risque de s’installer. Voilà à quoi devrait servir la politique monétaire selon Milton Friedman.

La déflation, plus récalcitrante que l’inflation

Jusqu’à la crise enclenchée en 2007-2008, même si les banques centrales (Fed, BCE, Bank of England, etc.) n’en étaient plus à suivre à la lettre les préceptes monétaristes, elles avaient fait de l’inflation leur principal cheval de bataille et s’estimaient très efficaces en la matière : l’inflation s’était stabilisée dans toutes les économies dites avancées autour des 2% qui constituaient leur cible implicite ou explicite. La mondialisation, la montée en puissance de grands émergents tels que la Chine, l’Inde, la Brésil, avec la pression à la baisse qu’elles exerçaient sur les prix mondiaux, n’expliquaient-elles pas davantage cette stabilisation de l’inflation ? Mais non, assuraient les banquiers centraux, cette inflation maîtrisée était avant tout le fruit de leur succès.

Mais alors si elles étaient aussi expertes dans la maîtrise de l’inflation, la déflation vue comme le problème symétrique en situation de dépression n’aurait pas dû leur opposer tant de résistance. A moins que l’inflation ne soit pas un phénomène exclusivement monétaire, que la déflation ne soit pas exactement une configuration symétrique à l’inflation et que « super Mario » (Mario Draghi) ou ses alter ego manient mieux les karts que les leviers d’hélicoptères. C’est sans doute un peu tout cela à la fois. Mais le fait est que la politique monétaire de gestion de crise, aussi accommodante a-t-elle pu être aux Etats-Unis par exemple ou comme actuellement dans la zone euro, ne fonctionne pas comme un hélicoptère qui déverserait des billets que l’on pourrait immédiatement dépenser.

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CONTRIBUTRICE EXTERNE - MEMBRE DU COMITÉ D'EXPERTS. Jézabel est maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et chargée de recherches au CEPII.

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