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La monnaie des banques centrales n’est pas celle que vous dépensez

La monnaie que les banques centrales ont émise par milliers de dollars aux Etats-Unis ou d’euros en zone euro (environ 1500 milliards d’euros d’achats d’actifs prévus par la BCE entre mars 2015 et mars 2017) n’est pas celle qui circule dans l’économie. Car ce sont les banques (celles de second rang où vous déposez votre argent) qui créent et font circuler la monnaie dans l’économie. Les banques créent de la monnaie lorsqu’elles octroient un crédit et créditent en contrepartie un compte de dépôt. L’argent du compte de dépôt sera dépensé et se retrouvera ainsi à circuler dans l’économie. Pour cela, les banques ont besoin de se procurer de l’argent auprès de la banque centrale, pas forcément avant cet acte de crédit, mais au moins après, pour un montant qui n’a pas lieu d’être équivalent mais qui, théoriquement, est proportionnel au montant de monnaie créée. Elles en ont besoin car il leur faut se régler entre elles en monnaie de banque centrale (qu’elles détiennent sur leur compte à la banque centrale) les paiements qu’elles se doivent, régler à la banque centrale les billets dont leurs clients ont besoin, et maintenir un montant minimal de réserves, proportionnel aux dépôts de leurs clients. A priori donc, plus cette monnaie centrale est abondante et peu onéreuse pour les banques, comme c’est le cas aujourd’hui en zone euro puisque les banques se re-financent quasi gratuitement, et plus normalement il est facile pour elles de créer de la monnaie … si elles le veulent bien et si leurs clients en expriment le besoin.

Plus grand chose une fois passée dans l’entonnoir

Tout cela pour dire que les banques centrales ont beau refinancer massivement les banques, leur acheter d’énormes montants de titres sur les marchés obligataires (dans le cadre du quantitative easing – « QE » pour les initiés), l’émission de monnaie correspondante par les banques centrales ne fait pas forcément augmenter au même rythme la monnaie en circulation dans l’économie, soit que les banques n’ont, malgré cela, pas offert beaucoup de nouveaux crédits (ce dont les petites et moyennes entreprises se plaignent souvent), soit que les entreprises n’ont pas demandé de nouveaux crédits aux banques (ce dont les banques se plaignent régulièrement). Ce qui signifie aussi que lorsque les banques centrales déversent des tombereaux de liquidités sur les banques et les marchés financiers, cela n’est pas du tout comme de l’argent tombé d’un hélicoptère que l’on pourrait immédiatement dépenser. La monnaie de la banque centrale passe par l’entonnoir des banques et des marchés et il n’en ressort pas grand chose pour l’économie réelle.

La monnaie hélicoptère n’existe pas, vive la monnaie hélicoptère

Mais alors pourquoi ne pas essayer de créer cette monnaie hélicoptère ? Evidemment, il ne s’agirait pas forcément d’affréter un hélico pour Mario mais d’envisager par exemple le versement par la banque centrale d’une somme sur votre compte bancaire, disons par exemple les fameux 300 euros de votre rêve, ou une distribution équivalente de bons d’achats. L’association « Positive money » a lancé une campagne pour soutenir cette idée d’un quantitative easing au service de la société (« quantitative easing for people »). Lors de sa conférence de presse de mars 2016, Mario Draghi interrogé à propos de cela a répondu aux journalistes que l’idée était « très intéressante ». Peu après, son chef économiste, Peter Praet, laissait même échapper que c’était tout à fait dans les cordes des banques centrales. Précisons qu’au moment où la BCE se voyait reprocher d’être à court de munitions, il n’aurait pas été très habile de se priver de l’occasion de déclarer qu’elle pourrait encore surprendre par des mesures inédites. Interprété par beaucoup comme un bon coup de communication, le sujet continue d’alimenter les débats. Il est vrai qu’il pose beaucoup de questions : la somme perçue ou le bon d’achat ne finiraient-ils pas sur votre compte épargne ? Est-ce que cela ne profiterait pas surtout à des produits de consommation de masse, importés surtout et ne mobilisant pas forcément beaucoup les forces productives du pays ? Alimentant d’ailleurs le consumérisme au mépris de toute considération écologique. Et la banque centrale dans tout cela, supporterait-elle ce qui constituerait pour elle une perte, puisqu’à la différence d’un titre acheté sur le marché obligataire ou d’un prêt de liquidité à une banque, elle n’aurait aucune créance à inscrire à l’actif de son bilan en contrepartie de sa monnaie hélicoptère ?

Certains des problèmes soulevés par ces questions seraient assez simples à résoudre, d’autres moins. Pour éviter que la thésaurisation ne réduise la dépense recherchée, le bon d’achat pourrait avoir une durée limitée d’utilisation, ce qui est assez simple à concevoir. Pour éviter que la mesure ne profite qu’aux produits importés, l’utilisation du bon d’achat pourrait être ciblée vers des productions locales, ce qui est a priori moins simple car même les produits made in France ont un certain contenu en importations. Quant à la perte de la BCE à faire accepter ou à compenser, elle promettrait des débats sans fin à la Commission européenne.

A supposer que ces problèmes soient résolus, cette mesure aiderait à relancer la consommation, ce qui est un moteur important de la croissance, mais peut-être pas celui qui compte le plus pour la croissance de long terme.

Un autre type de QE for people

C’est l’investissement qui importe le plus pour la croissance de long terme. En particulier l’investissement lui-même orienté vers le long terme, vers les infrastructures nécessaires à l’éducation, la formation, la santé, l’environnement, la transition écologique, ... Or ces investissements-là ont des caractéristiques (rentabilité sociale forte / rentabilité économique faible et nécessairement aussi à long terme) qui se prêtent assez mal au financement privé, qui plus est en période de croissance faible. Qu’y peut la BCE ? Ces investissements de long terme ne sont-ils pas du ressort des Etats et de la politique budgétaire ? La BCE pourrait garantir les émissions d’une institution – par exemple la banque européenne d’investissement - dont les investissements seraient des investissements d’infrastructure, de long terme orientés vers ce qui rend la croissance soutenable à long terme. Elle pourrait aussi s’engager à racheter ces titres sur le marché secondaire pour favoriser leur liquidité, en conditionnant ses rachats à la validation de ces investissements par une instance suffisamment démocratique qui les labelliserait « investissements de long terme pour une croissance soutenable » replaçant l’éducation, la formation, la santé, l’environnement, la transition écologique au cœur du développement économique et social. Ces investissements en entraineraient d’autres, dans le secteur privé. Et la reprise viendrait enfin, sans compromettre le bien-être des générations futures. Tout un programme !

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