Yomoni : investissez mieux !

Ils sont là parmi nous, discrets et silencieux. Partout dans le monde, c’est la catégorie de population qui croît le plus rapidement. Leur nombre double tous les 10 ans, ils n'ont jamais été aussi nombreux, ils sont 500 000 aujourd’hui et seront près de 4 000 000 en 2050. Ils ne sont pas comme vous et moi, ce sont les centenaires et les super-centenaires[1] ! Peut-être en ferons-nous partie et plus certainement, nos enfants. Le XXe siècle a été le siècle de l’accroissement de l’espérance de vie moyenne et de l’explosion de la jeunesse, il semble que ce siècle-ci sera celui de la longévité et des centenaires !

Il faut d’abord rendre justice au siècle précédent qui a été exceptionnel sur l’amélioration de la vie humaine, pourtant il garde une bien mauvaise réputation entachée de ses deux grandes guerres et de ses expériences totalitaires coûteuses en vies humaines. Nous sommes bien ingrats avec celui qui nous a fait gagner 37 ans de vie supplémentaire, alors que l’espérance de vie était d’à peine 45 ans en 1900[2] !

Contre toute attente, la tendance initiée il y a maintenant 160 ans, se poursuit. L’espérance de vie nationale continue de croître au rythme d’un trimestre de plus tous les ans. Initialement portée par la baisse de la mortalité infantile (progrès sanitaires et vaccinations), puis par celle des jeunes adultes (réduction des grands conflits armés), on la croyait alors limitée et destinée à ralentir. Il n’en est rien grâce à la baisse accélérée de la mortalité des seniors, l’espérance de vie à 60 ans ne cesse de progresser. Atteindrons-nous les 100 ans en moyenne d’ici 2100 ?

L’espérance de vie nationale continue de croître au rythme d’un trimestre de plus tous les ans.

A première vue, rien n’est moins sûr, car les récents travaux ont bouleversé les croyances sur le potentiel de longévité humaine naturelle que l’on pensait croissant. Le potentiel naturel du corps humain serait bien borné et il semble même que la longévité maximale ait déjà été atteinte, et ce malgré l’accélération visible depuis 1960 des records de longévité. Un article dans Nature[3] du mois dernier, montrait que l’accélération des records de longévité serait trompeuse d’une tendance future. L’espérance de vie potentielle ultime du corps humain n’augmente pas et serait entre 120-125 ans, semble-t-il. Depuis 1997, nous serions déjà à la frontière ultime. L’augmentation des records de longévité s'expliquerait entièrement par les aléas statistiques dus à la plus grande multitude de centenaires : plus il y a de centenaires, plus il y aura des cas rares qui dépasseront les âges atteints par les précédents moins nombreux. Mais l’espérance de vie moyenne à 100 ans reste constante.

En conclusion, l’espérance de vie continue de progresser grâce à l’amélioration des conditions de vie (alimentation et médecine incluse), mais à mesure qu’elle rapproche de la limite potentielle naturelle, elle va ralentir. A moins que…

C’était effectivement sans compter l’ambition insatiable des (jeunes) milliardaires de Californie qui préparent déjà leur avenir ! Les projets d’extension de vie humaine par voie artificielle sont en vogue dans la Silicon Valley, financés par les fondateurs de Google, ou le sulfureux Peter Thiel, génial fondateur de Paypal et actionnaire de Facebook. Les pionniers d’Internet parient sur la génomique qui a donné aux humains l’accès à la (re)programmation du vivant. Le corps humain serait alors résumé à un “programme” sur un support d’eau et de carbone, libre à nous de se reprogrammer. Pour l’instant, les avancées sont modestes en Europe pour des raisons évidentes d’éthiques, mais on voit désormais qu’ailleurs[4] l’ambition technologique ne s’embarrasse pas pour exploiter ces découvertes scientifiques. L’avancée vers l’homme-augmenté[5] n’est donc plus qu’une question de temps.

Si l’on superpose ces deux projections, i) de vie moyenne quasiment centenaire et ii) d’avancée technologique continue, il est probable qu’un grand nombre d’enfants d’aujourd’hui vivront non pas 100 ans comme certains de leurs parents, mais bien au-delà. En effet, à mesure qu’ils vivront, les avancées technologiques successives dans le vivant feront que d’ici à 2116, le potentiel de longévité maximale sera repoussé, permettant davantage de découvertes, et autant de prolongations. En 2004, le scientifique et inventeur Ray Kurzweil disait déjà : « we’re nearing immortality[6] », donc côté épargne, il va bien falloir la préparer sérieusement cette retraite… éternelle!


[1] Les super-centenaires sont ceux qui dépassent les 110 ans.

[2] Espérance mondiale de 32 ans en 1900 et de 71 ans aujourd’hui

[3] “Evidence for a limit to human lifespan”, Dong, X., Milholland, B. & Vijg, J. Nature (2016)

[4] En Chine, des universitaires ont déjà effectué des expérimentations sur le génome d’embryons humains, et le Beijing Genomics Institute (BGI) possède l’ambition de devenir un leader technologique sur le vivant.

[5] Il ne s’agira plus de donner au corps humain les conditions idéales pour son fonctionnement (i.e. améliorations « naturelles »), mais de le changer en profondeur dans sa nature, par exemple en modifiant son code génétique pour qu’il acquiert de nouvelles propriétés de résistance, ou en parsemant le corps de cellules artificielles intelligentes pour réduire la dégénérescence des cellules naturelles.

[6] Fantastic voyage: Live long enough to live forever, Ray Kurzweil avec Terry Grossman, M.D., Rodale Books, 2004

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