Après une formation de statisticien économiste et un passage dans l’industrie financière, Hugo a rassemblé une équipe de super héros de la finance avec un objectif simple : aider le grand public à prendre les meilleures décisions financières.
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Aujourd’hui, Hugo est venu partager avec nous un thème sur lequel il contribue régulièrement : les prix de l’énergie.
Bonjour Hugo, le pétrole est un sujet qui te tient à cœur, pourquoi cet intérêt ?
De mon point de vue, le pétrole et plus généralement les problématiques énergétiques, vont être un des enjeux majeurs des 10 prochaines années. D’abord parce qu'il faut lutter contre le réchauffement climatique, mais aussi parce que la transition énergétique est en train de s’imposer d’elle-même, par les contraintes physiques et géologiques.
Par ailleurs, d’un point de vue purement financier, les prix du pétrole peuvent être aussi bien un indicateur précurseur d’une crise économique qu’un outil de spéculation dangereux mais fascinant.
En effet, nous oublions parfois le rôle d'indicateur que peuvent avoir les prix de certaines matières premières... Place à la tribune maintenant !
Pétrole cher, est-ce parti pour durer ?
Ce mois de mars, le cours du baril de pétrole a dépassé 130$, un niveau qui n’avait pas été atteint depuis 2008. Depuis, le prix du carburant est devenu un enjeu politique.
La guerre, mais pas que
Le 24 février, alors que Vladimir Poutine annonce lancer une “opération spéciale en Ukraine” les premières forces armées Russes entrent sur le territoire ukrainien. Au même moment, les prix du pétrole font une première incursion au-dessus de 100 $ le baril. Les prix du baril s’emballent ensuite au rythme des bombardements. Le 8 mars, alors que Joe Biden annonce un embargo américain sur le pétrole Russe, le Brent atteint son climax à 133$.
L’explication est vite trouvée et l’évolution des cours presque mécanique : la Russie est le troisième plus gros producteur de pétrole au monde et sa production représente environ 10% de la production mondiale.
Pour autant, le pétrole n’a pas attendu le conflit entre la Russie et l’Ukraine pour entamer son rallye haussier. Rappelons qu’au plus fort de la crise sanitaire, le pétrole faisait la Une de l’actualité économique pour une toute autre raison : le WTI passait en territoire négatif pour la première fois de son histoire ; c’était il y a tout juste deux ans.
C’est à ce moment précis que se préparait le choc pétrolier actuel. En effet, la quasi-totalité des producteurs de pétrole ont alors coupé leurs investissements. De nombreux producteurs de pétrole de schiste américains ont fait faillite, des techniciens qualifiés ont été licenciés et beaucoup ont dû se reconvertir. Au large de l’Alaska, au Nord de la Sibérie et partout dans le monde, les projets de forages les plus ambitieux ont été annulés.
Depuis, la remontada des prix s’est faite presque en ligne droite pour une raison simple: alors que la demande de pétrole est peu à peu revenue à la normale, la production est restée à la traîne. Les États-Unis produisaient 3 millions de barils/jour en moins après les premiers confinements et cet écart s’est peu réduit depuis : le manque à produire est de 2 million de barils par jour.
Le pétrole n’est pas élastique
On a tendance à oublier que le pétrole est essentiel à l’ensemble de l’économie. Sans pétrole, vous ne pouvez pas voyager, les agriculteurs n’ont pas d’engrais pour semer et pas d’énergie pour moissonner, les machines industrielles n’ont pas de lubrifiant pour tourner, les dames sont en rupture de bas, de collants et de cosmétiques et on ne peut pas vous livrer votre dernier iPhone fabriqué en Chine.
Le pétrole c’est un peu le sang qui fait battre le cœur de l’économie et c’est d’ailleurs pour cela qu’il est si difficile de s’en débarrasser, malgré sa nocivité pour l’environnement.
En général, lorsqu’un produit passe de 20$ à 130$ en 24 mois, on cherche un substitut ou, à défaut, on en consomme moins. En économie on dit que l'élasticité-prix est négative : plus le prix d’un produit monte et plus sa consommation baisse. Cela permet un rééquilibrage naturel des prix. Néanmoins, les produits de première nécessité font exception à cette règle et le pétrole en est un.
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Bienvenue dans l’ère du pétrole cher
En plus d’être non-substituable, le pétrole a le défaut de se raréfier. La quantité de pétrole présente sur Terre est finie et tout baril qui part en fumée ne sera pas remplacé. Cela veut donc dire qu’un jour nous cesserons d’extraire du pétrole et, par ailleurs, qu’un jour bien plus proche, la production de pétrole déclinera invariablement. A l’échelle de l’humanité, l’année où nous aurons extrait un volume maximal de pétrole est appelé pic pétrolier. Le pic pétrolier marquera un tournant dans l’histoire industrielle qui a été bercée jusqu’alors par un flux d’énergie toujours plus abondant. Or, le pic pétrolier est pour bientôt. C’est du moins ce que s’accordent à dire les principales simulations réalisées à ce sujet.
Simulation du pic pétrolier à partir des réserves connues. Source : Finance Héros.
Dans cet exemple, le pic pétrolier est atteint en 2025. Dès lors, on comprend aisément que si la demande reste au niveau actuel un problème d’équilibre se pose, qui ne pourra être résolu que par une augmentation des prix.
Malheureusement, il n’est pas nécessaire de passer le pic pétrolier pour entrer dans l’ère du pétrole cher. Le pic du pétrole conventionnel a déjà été atteint.
Alors qu’au siècle dernier un forage de quelques mètres permettait de faire jaillir du pétrole pour plusieurs décennies, les forages d’aujourd’hui requièrent des technologies avancées et coûteuses et produisent des résultats moins durables.
Aux États-Unis, la vaste majorité de l’or noir est issue du pétrole de schiste. Cela nécessite d’opérer un forage horizontal une fois la roche réservoir atteinte, puis de la fracturer avec un marteau hydraulique. Les puits seront secs quelques années plus tard, ce qui explique pourquoi les Américains forent plusieurs milliers de puits chaque année, ne serait-ce que pour maintenir leur niveau de production.
Au Canada, l’exploitation des sables bitumineux nécessite d’injecter de l’eau bouillante dans le sous-sol pour pouvoir drainer ce pétrole naturellement plus visqueux ; le coût financier et environnemental n’en est que plus élevé.
Quant aux puits off-shore, ils sont de plus en plus profonds et aussi de plus en plus périlleux : forer à plus de 2 000 mètres sous le niveau de la mer n’est pas une mince affaire !
Finalement, l’invasion de l’Ukraine n’aura été que le catalyseur d’une situation amorcée il y a plusieurs années. Il est donc fort à parier que si le conflit devait trouver une issue rapide et positive, le prix du pétrole resterait élevé. A contrario, un conflit durable et un embargo international sur le pétrole russe pourraient pousser les prix du pétrole à des niveaux records, avec des conséquences similaires à celles des précédent chocs pétroliers sur l’économie mondiale…
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